L’incompréhension et la consternation sont à leur comble en Basse Guinée. Après la disparition d’Elhadj Sékhouna Soumah, l’unique Kountigui de la région, on assiste aujourd’hui à une situation inédite et préoccupante : l’installation de deux nouveaux chefs coutumiers, Elhadj Mamoudou Camara à Kindia et Elhadj Moustapha Kaba à Lambayi. Une dualité qui tranche radicalement avec l’unicité des chefs coutumiers dans les autres coordinations régionales du pays.
Cette situation ne manque pas d’interroger. Comment peut-on expliquer l’intronisation de deux Kountigui dans la même région alors qu’en janvier 2025, le ministère de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation avait pourtant ordonné la suspension de toute cérémonie d’installation, précisément en raison du risque de pluralité des « Kountiguibè » ? Cette interdiction a-t-elle été levée en toute discrétion ? Ou assiste-t-on à une violation pure et simple des instructions de l’État ?
L’intronisation d’Elhadj Mamoudou Camara, dans une cérémonie fastueuse le 23 février dernier, a réuni un parterre de personnalités influentes, notamment d’anciens ministres, des cadres natifs de la région et des représentants des coordinations régionales. Quelques semaines plus tard, à la surprise générale, un autre Kountigui, Elhadj Moustapha Kaba, est installé dans la plus grande discrétion.
Cette situation, pour le moins inédite, interpelle et suscite une légitime inquiétude, et risque d’ébranler la crédibilité même de l’institution des chefs coutumiers et d’exacerber les tensions au sein de la communauté.
L’importance des chefs coutumiers dans la consolidation de la paix
Car faut-il le rappeler, les chefs coutumiers jouent un rôle crucial dans la consolidation de la paix et la quiétude sociale. Ils sont les garants des traditions, les médiateurs dans la gestion des conflits locaux et les piliers de la cohésion entre les communautés. Leur autorité découle avant tout d’un consensus fort et d’une légitimité acceptée de tous. C’est pourquoi toute décision concernant leur installation doit être mûrement réfléchie, en tenant compte des usages et des équilibres traditionnels. Or, comment parler de consensus lorsque deux figures prétendent incarner simultanément cette autorité suprême ?
L’impuissance des autorités : un signal inquiétant
L’État, garant de l’ordre public et de la stabilité, ne peut rester spectateur d’une situation aussi préoccupante. Si la Basse Guinée se retrouve avec deux Kountigui rivaux, cela pourrait créer des tensions inutiles et fragiliser l’harmonie sociale dans la région. L’urgence s’impose : les autorités doivent clarifier leur position et trancher cette question avec fermeté. Car dans un contexte où les divisions ethniques et régionales peuvent facilement être instrumentalisées, jouer avec les équilibres coutumiers est un pari dangereux.
La Basse Guinée a besoin d’un leader coutumier incontesté et fédérateur, non d’une compétition de leadership. Que chacun prenne ses responsabilités avant que cette dualité ne devienne un ferment de discorde.
Alors, il est temps de revenir à la raison, de rétablir l’unité et de redonner à la chefferie traditionnelle la place et la dignité qui lui reviennent. La dualité des Kountigui en Basse Guinée doit cesser, pour le bien de tous.
Alseny Dine CAMARA, journaliste