Ce dimanche 7 décembre restera sans doute gravé dans l’histoire de la Syrie : Damas, berceau de tant de civilisations et symbole du pouvoir central syrien, s’est réveillée sous le contrôle des groupes rebelles. Le président Bachar al-Assad, figure emblématique et controversée, a quitté le pays, laissant derrière lui un régime en déliquescence après 23 ans d’un pouvoir absolu. Si certains célèbrent déjà la « libération » de la capitale, cette victoire soulève des questions fondamentales sur l’avenir du pays, tant au plan politique qu’humain.
Les fractures du régime et la désillusion des alliances.
Bachar al-Assad avait su jusqu’ici s’appuyer sur des alliés puissants pour maintenir son emprise sur la Syrie : la Russie, l’Iran et, dans une moindre mesure, la Corée du Nord. Pourtant, ces soutiens montrent aujourd’hui leurs limites.
– La Russie, engluée dans le conflit en Ukraine, ne peut plus fournir le même soutien militaire et logistique au régime syrien. L’aviation russe, autrefois pilier des offensives loyalistes, semble désormais focalisée ailleurs, laissant Assad à la merci des rebelles.
– L’Iran, longtemps principal allié régional, fait face à ses propres défis. Entre les tensions avec Israël et ses engagements avec les groupes armés tels que le Hezbollah, le Hamas et les Houthis, Téhéran semble incapable de maintenir une présence forte en Syrie.
– La Corée du Nord, quant à elle, reste un acteur marginal, géographiquement éloigné et politiquement limité.
L’affaiblissement de ces alliés traduit une réalité brutale : le régime syrien était soutenu autant par des alliances de circonstances que par des intérêts partagés. Aujourd’hui, ces intérêts divergent, accélérant la chute d’un pouvoir autrefois inébranlable.
Une victoire incertaine : entre liberté et dérives possibles.
Si les rebelles proclament une « Syrie libre », la nature de cette liberté reste floue et inquiète. Derrière l’unité apparente des groupes insurgés se cache une mosaïque d’intérêts contradictoires, incluant des factions aux idéologies radicales et des groupes terroristes notoires. L’histoire récente nous enseigne que la chute d’un régime autoritaire ne garantit pas automatiquement une transition démocratique, encore moins la stabilité.
Les puissances étrangères, notamment la Turquie, Israël et les Occidentaux, qui ont soutenu les rebelles, partagent la responsabilité de ce nouveau chapitre. Leur implication risque de transformer la Syrie en un champ de bataille par procuration, où les aspirations du peuple syrien seront une fois de plus sacrifiées sur l’autel des intérêts géopolitiques.
Les leçons de Damas : entre espoir et vigilance.
La chute de Damas n’est pas simplement un tournant pour la Syrie ; c’est un rappel des défis complexes qui entourent toute transition politique dans une région fracturée. La communauté internationale doit agir avec discernement, veillant à ce que l’après-Assad ne soit pas pire que son règne.
Damas est libre, dit-on. Mais cette liberté ne doit pas se transformer en chaos, ni en une nouvelle forme de tyrannie. L’avenir du peuple syrien dépendra de sa capacité à reconstruire son pays avec justice, unité et respect des droits humains. Il revient maintenant aux Syriens, et à eux seuls, de redéfinir leur destin.
Abdourahamane Nabe responsable mécénat : santé et solidarité [email protected]