En 2021, dans son discours de prise de pouvoir, ses différentes adresses à la nation et lors d’une visite dans une de nos institutions d’enseignement supérieur, Mamadi Doumbouya avait déclaré solennellement qu’il fallait « tuer l’ethnie » en Guinée.
Cette phrase incongrue voulait dire simplement qu’il fallait combattre l’ethnocentrisme. Très récemment, l’idéologue-historien réactionnaire du CNRD, Aboubacar Sidiki Camara, celui qui s’est attribué, sans pâlir, le nom du tristement célèbre « Idi Amine Dada », dénonçait aussi l’ethno-stratégie.
Mais le problème avec les putschistes du CNRD est qu’ils tiennent des discours qui s’inscrivent aux antipodes de leurs actions et qu’ils ne sont plus à une contradiction de près.
Il suffit, pour s’en convaincre, de s’intéresser aux dernières nominations au sein des Forces armées pour comprendre que Mamadi Doumbouya et ses hommes nagent dans les eaux saumâtres de l’ethnocentrisme et de l’hégémonie communautaire. Même le concours qui, par essence, vise à assurer la sélection des candidats en vertu de leurs seuls mérites et à garantir l’égal accès des citoyens aux emplois publics, n’échappe pas à la logique communautariste du CNRD.
En cela, le concours de recrutement au sein de nos forces armées en constitue une illustration éloquente.
Fort malheureusement, à la place de la justice, le réflexe de l’ethnocentrisme est très vite devenu la boussole qui a orienté les premières nominations aux postes hautement stratégiques au sein de l’armée, du gouvernement, du CNT… j’en passe….
Tenez-vous bien! Plus des 2/3 des cadres et officiers nommés, qu’il s’agisse des commandants de garnisons militaires du pays, de gendarmerie, de la Douane, de CMIS, d’escadrons mobiles, des directeurs généraux et centraux de Police, des secrétaires généraux et directeurs de cabinets ministériels, des gouverneurs et préfets, ils appartiennent tous à la même communauté ethnique.
Comme s’il n’y avait pas de militaires ou cadres méritants ou compétents appartenant aux autres communautés. Une véritable aberration!
Les ministères de l’économie et des finances, du budget, de la défense, le MATD, la présidence du CNT, les affaires étrangères, le gouverneur de la BCRG, les Directeurs de la SONAP, ACGP, des impôts, de la douane, de la SEG, EDG, OGP, SOGEAC, ARPT ne sont-ils pas tous de la même ethnie ?
Quant au CNRD, loin de déroger à cette logique communautaire, l’entité nébuleuse est composée à 90% d’officiers de la même ethnie Mamadi Doumbouya (P-CNRD), General Balla Samoura (HCGN-DJM), General Amara Camara ( SGPR), General Abdoulaye Keita (I-FAG), General Moussa Camara (DG-DOUANE), Colonel Malick Diakité (CEAMAT), Colonel Philippe Magassouba (BQG), Commandant Mouctar Kaba (C-GFS), Colonel Gassim Traoré (Intendant général des FAG), Colonel Mohamed amine Camara (DG-SCAAD).
Le même constat alarmant s’impose à la présidence de la République, à travers le directeur de cabinet, le secrétaire général, les commandants d’unités au sein du groupement des forces spéciales. L’hégémonie d’une communauté sur les autres est flagrante. Sans oublier la galaxie des conseillers occultes comme Papa Fofana, Billy Condé, Ousmane Doumbouya.
Tant qu’on n’aura pas le courage de dénoncer et de combattre cette vile pratique, notre pays ne rompra pas avec ses vieux démons.
On ne soigne pas une plaie en la recouvrant simplement d’un sparadrap. Il convient de garder bien présent à l’esprit que ce n’est pas la dénonciation de l’ethnocentrisme qui constitue un danger pour la Nation, mais la pratique de l’ethnocentrisme elle-même érigée au plus haut sommet de l’Etat.
Pire, c’est le silence sur cette pratique qui est condamnable et qui nourrit l’incompétence, le repli identitaire, la corruption, l’hypocrisie et bien d’autres maux qui nous assaillent.
Comme le disait Camus, « mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde ». Aussi longtemps que nous détournerons le regard et nous nous abstiendrons de mettre des mots justes sur les maux liés à l’ethnocentrisme, nous ne ferons que transférer cette dette à notre progéniture.
Si le terme » refondation » avait un sens, c’est bien à travers la lutte contre l’ethno-stratégie et l’ethnocentrisme sous toutes ses formes qu’il se manifesterait.
Sur le plan de la cohésion sociale et du vivre-ensemble des différentes composantes du pays, le régime précédent a causé un préjudice immense à la Guinée. Les nouveaux maîtres du pays se devaient non seulement de réparer ce préjudice mais aussi d’endiguer le mal.
Ils se sont plutôt évertués à l’alimenter au détriment de l’unité nationale.
Fort heureusement, beaucoup de Guinéens avertis ont compris très tôt que dans le discours trompeur de Mamadi Doumbouya, le terme » refondation » était de la poudre aux yeux. Il ne pouvait en être autrement, puisqu’il n’avait aucune vision, aucune éthique, aucune véritable ambition pour la Guinée.
Il voulait juste sauver sa peau en perpétrant son coup d’État pour son bénéfice exclusif.
Je suis triste et révolté pour mon pays en pleine crise de moralité où l’élite a déserté et les intellectuels ont démissionné.
En fin de compte, Mamadi Doumbouya est le symbole même de l’imposture.
SEKOU KOUNDOUNO
RESPONSABLE DES STRATEGIES ET PLANIFICATION DU FNDC