Le parti dirigé par Dr Faya Millimono fustige la création de la Direction Générale des Élections (DGE), logée au ministère de l’Administration du Territoire. Dans une déclaration ferme, le Bloc Libéral estime que cette décision traduit la volonté du CNRD de verrouiller le processus électoral sans concertation, au mépris des principes de transparence et de pluralisme.
Ci-dessous, la déclaration du Bloc Libéral
Conakry, le 15 juin, 2025
Déclaration No 91 du Bloc Libéral
Chers compatriotes,
Le Bloc Libéral (BL), fidèle à son engagement pour la démocratie, l’État de droit et la souveraineté du peuple, prend acte de la création par décret présidentiel, en date du 14 juin 2025, de la Direction Générale des Élections (DGE), placée sous la tutelle du Ministère de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation (MATD). Cette décision, présentée comme un jalon sur la route du retour à l’ordre constitutionnel, soulève pourtant de graves inquiétudes, tant sur la forme que sur le fond.
En effet, la République de Guinée traverse depuis plusieurs années une crise institutionnelle et politique profonde, aggravée par le manque de dialogue, l’absence de vision partagée de la transition, et la méfiance généralisée entre les acteurs politiques, sociaux et institutionnels. Dans ce contexte de tension, où la parole publique est fragilisée et les intentions du pouvoir militaire constamment mises en doute, toute réforme touchant aux mécanismes électoraux devrait être l’objet d’un large consensus. Malheureusement, une fois de plus, les autorités de la transition ont préféré l’unilatéralisme à la concertation, et l’imposition au dialogue.
La création de la DGE, en dehors de tout cadre inclusif, s’inscrit dans une logique préoccupante de confiscation du pouvoir par le Conseil national du rassemblement pour le développement (CNRD). Il est de notoriété publique que le Ministère de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation est l’un des piliers de la manipulation électorale dans notre pays. Depuis l’avènement du multipartisme, ce ministère a toujours joué un rôle partisan, privilégiant les régimes en place et verrouillant les dynamiques électorales à travers ses démembrements et relais locaux. Confier à une direction logée sous cette tutelle la mission d’organiser, gérer et superviser toutes les étapes du processus électoral revient, de fait, à remettre les clés de la démocratie guinéenne à un organe connu pour son allégeance au pouvoir en place.
Cette décision suscite d’autant plus d’indignation qu’elle intervient à un moment critique de la transition. À l’heure où les Guinéens attendent des signes de rupture avec les pratiques du passé, le CNRD choisit de recycler les méthodes les plus contestées, en renforçant la mainmise de l’administration sur le processus électoral. Il ne suffit pas de décréter l’autonomie financière d’une structure pour la rendre indépendante. L’indépendance véritable se mesure à l’autonomie de décision, à la composition pluraliste, à la transparence de fonctionnement et à la capacité de résister aux pressions politiques.
Le Bloc Libéral tient à rappeler qu’aucune élection ne peut être considérée comme crédible, inclusive et apaisée si les acteurs politiques et sociaux n’ont pas confiance dans l’organe qui l’organise. Or, en Guinée, cette confiance a été méthodiquement sapée au fil des années par une succession de scrutins mal préparés, de fichiers électoraux contestés, de résultats falsifiés, de violences politiques et d’impunité généralisée. La défunte CENI, en dépit de ses défauts, avait au moins le mérite d’avoir une existence juridique indépendante, avec une représentation des partis politiques et de la société civile. Aujourd’hui, cette relative pluralité est balayée au profit d’un organe strictement administratif, nommé, contrôlé et orienté par l’exécutif.
Les conséquences d’une telle approche sont potentiellement désastreuses. En effet, en persistant à ignorer les appels à la transparence et à l’inclusion, la junte prend le risque d’organiser des élections non consensuelles, qui pourraient déclencher des violences politiques majeures. Dans un pays déjà marqué par de nombreuses pertes en vies humaines lors des précédentes consultations, la moindre étincelle peut rallumer la flamme de l’instabilité. Le Bloc Libéral refuse de voir la Guinée replonger dans des conflits inutiles et évitables, à cause d’une gouvernance autoritaire et sourde aux exigences démocratiques.
Face à cette situation, le Bloc Libéral exige des garanties fermes et immédiates. Nous exigeons que toutes les étapes du processus électoral soient placées sous le regard constant du public à travers un organe technique indépendant de gestion des élections : depuis l’audit du fichier électoral, en passant par l’enregistrement des électeurs, l’impression des cartes électorales, la répartition du matériel électoral, jusqu’à la centralisation et à la publication des résultats. Chaque donnée électorale doit être consultable, traçable et vérifiable. Le vote ne doit plus être une affaire de coulisses, mais une affaire publique. Chaque citoyen guinéen a le droit de voter en toute liberté, dans la transparence la plus totale, et dans la sécurité absolue. Ce droit ne peut être garanti que si l’organe électoral est au-dessus de tout soupçon.
Nous appelons également à la présence effective et constante d’observateurs électoraux indépendants, nationaux comme internationaux. Leur mission ne doit pas se limiter à la journée du vote, mais couvrir l’ensemble du processus, depuis la phase préparatoire jusqu’à la proclamation finale des résultats. La communauté internationale, les institutions régionales et les partenaires de la transition doivent être vigilants et exigeants sur ce point.
Le Bloc Libéral réaffirme que la seule issue durable et pacifique à cette crise passe par un dialogue politique inclusif, sincère et orienté vers des solutions concrètes. Ce dialogue doit réunir, de façon paritaire, les représentants des partis politiques et les organisations de la société civile de l’opposition face aux représentants du pourvoir (CNRD, le gouvernement, les partis politiques et les organisations de la société civile qui soutiennent le pouvoir), pour définir ensemble un cadre consensuel d’organisation des élections. Ce cadre doit impérativement déboucher sur la mise en place d’une Commission électorale technique, indépendante, pluraliste et professionnelle, dotée de ressources propres, de règles claires et de mécanismes de contrôle efficaces.
Le peuple guinéen a trop souffert des élections truquées, des résultats manipulés, des institutions au service des gouvernants et non des gouvernés. L’heure n’est plus aux promesses ni aux effets d’annonce. L’heure est à l’action juste, à la refondation crédible, à la démocratie réelle.
Le Bloc Libéral restera fermement engagé auprès du peuple de Guinée pour défendre la vérité des urnes, l’égalité des droits, la justice électorale et la souveraineté populaire. Aucun compromis ne sera fait sur l’essentiel : la Guinée mérite mieux qu’un simulacre de démocratie. Elle mérite un processus électoral digne, respecté, et respectueux du peuple souverain.
Vive la République !
Vive la démocratie !
Vive la Guinée libre, juste et réconciliée avec elle-même !
Conakry, le 15 juin 2025
Le Bloc Libéral (BL)