Alors que plusieurs pays occidentaux recommandent à leurs ressortissants de quitter le Mali, la sous-région ouest-africaine garde un silence aussi pesant qu’inquiétant.
Ce silence, à l’heure où les lignes de front se rapprochent de Bamako, résonne comme une abdication collective face à la montée d’un péril qui dépasse largement les frontières maliennes.
Car laisser le Mali s’effondrer, c’est accepter qu’un nouveau sanctuaire du terrorisme s’installe au cœur du Sahel — une menace qui n’épargnera aucun voisin.
Un silence qui dérange.
Depuis plusieurs semaines, les signaux d’alerte se multiplient.
Les chancelleries occidentales, notamment européennes et américaine, conseillent à leurs citoyens de quitter le Mali, indice d’une dégradation accélérée de la situation sécuritaire.
Pour ces puissances, le Mali reste avant tout un dossier de politique étrangère ; mais pour les pays limitrophes — Mauritanie, Sénégal, Guinée, Côte d’Ivoire, Burkina Faso et Niger —, il s’agit d’un enjeu vital de sécurité nationale.
« Si Bamako tombe, c’est toute la sous-région qui tremble »,
Les groupes armés qui opèrent au Mali n’ont ni frontière ni drapeau. Leur objectif désormais assumé est d’asphyxier la capitale, d’affaiblir l’État, et de semer la peur jusque dans les zones autrefois épargnées. La stratégie du chaos est claire : isoler Bamako pour mieux la faire vaciller.
Les racines d’une crise prolongée.
Depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011, le Mali, le Niger et le Burkina Faso vivent sous la pression constante des groupes djihadistes.
Les armes sorties des arsenaux libyens ont inondé le Sahel, nourrissant une nébuleuse de mouvements armés qui ont conquis, morceau par morceau, des territoires jadis sous contrôle étatique.
Malgré les efforts successifs des Forces armées maliennes (FAMA) et l’appui de partenaires étrangers — d’abord européens, aujourd’hui russes —, le pays peine à retrouver son intégrité et sa stabilité.
Les routes d’approvisionnement se raréfient, les zones rurales s’enlisent dans la violence, et le cœur même de Bamako semble désormais visé.
Une communauté régionale apathique.
Face à cette dérive, une question s’impose : où sont passées la CEDEAO et l’Union africaine ?
L’une et l’autre, si promptes à condamner les coups d’État militaires, se montrent d’une prudence presque coupable face à l’avancée du terrorisme.
Pourtant, les 4 000 kilomètres de frontières partagés entre le Mali et ses voisins devraient imposer une approche collective, coordonnée et solidaire.
La déstabilisation du Mali ne serait pas qu’un désastre politique : elle provoquerait aussi une onde de choc économique.
Les ports de Dakar, Conakry et Abidjan, principaux points d’entrée du commerce malien, seraient directement affectés.
Une crise prolongée risquerait d’interrompre les échanges, de fragiliser les chaînes d’approvisionnement et de menacer la stabilité de plusieurs États côtiers déjà confrontés à des défis internes.
Dépasser les clivages institutionnels.
Il est temps de dépasser les rivalités politiques et les divergences institutionnelles entre l’Alliance des États du Sahel (AES) et la CEDEAO.
La fracture née de ces désaccords n’a profité qu’aux groupes armés, qui exploitent les failles diplomatiques pour renforcer leur emprise.
« L’échec du dialogue ne doit pas justifier l’attentisme. »
Il faut urgemment réactiver la force d’attente régionale conçue avant la scission, et remettre à l’ordre du jour une coalition panafricaine contre le terrorisme.
L’Afrique de l’Ouest doit cesser de sous-traiter sa sécurité et prendre pleinement la mesure de sa responsabilité commune.
Un enjeu de survie collective.
L’effondrement du Mali ne serait pas une crise isolée, mais un drame collectif, celui de la solidarité africaine mise en échec.
L’histoire récente du Sahel enseigne une vérité simple : aucune frontière, aucune alliance ne protège durablement un État si son voisin s’enflamme.
« Quand la case du voisin brûle, il faut arroser la tienne », rappelle la sagesse africaine.
La survie de la sous-région dépendra de la capacité de ses dirigeants à agir avant qu’il ne soit trop tard.
Il ne s’agit plus de diplomatie, mais de lucidité historique.
Entre l’unité et le chaos, le choix est clair : se parler, s’unir, agir — ou se taire, et subir.
Abdourahamane NABE
Responsable RSE et observateur des questions sociales et de gouvernance.
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