Dix ans après les violents pillages et destructions enregistrés lors de la campagne présidentielle d’octobre 2015, les victimes de ces événements tragiques continuent de réclamer justice. Ce jeudi 9 octobre , à la maison commune des journalistes, le collectif des victimes de pillages et destructions pré-électorales de 2015 a tenu une conférence de presse pour rappeler l’ampleur des pertes subies et exiger la réparation promise depuis plusieurs années.
Ibrahima Tall, président du collectif, a ouvert la rencontre en rappelant le contexte douloureux de ces événements : « C’est avec amertume et désarroi que nous nous exprimons aujourd’hui à l’occasion des dix ans de tristes événements qui ont entraîné le pillage et la destruction de nos marchandises », a-t-il déclaré d’entrée de jeu. Selon lui, les victimes étaient principalement des commerçants, importateurs, exportateurs et marchands installés dans les marchés de Madina, Matoto, Kissoso et Anta, dans les communes de Matam et Matoto, à Conakry.
Le président du collectif a rappelé que ces commerçants exerçaient « légalement leur activité depuis plusieurs décennies en contrepartie du paiement des droits et taxes à l’État. Nous pensons sans risque de nous tromper que celui-ci a l’obligation à travers ses démembrements, c’est-à-dire les communes et le gouvernorat de la ville de Conakry, de nous assurer une sécurité parfaite», a-t-il poursuivi.
« Pendant la campagne présidentielle de 2015, précisément les 8 et 9 octobre, nos boutiques, magasins, kiosques commerciaux ont été systématiquement vandalisés, pillés et totalement vidés de leur contenu, certains calcinés. Nous n’avons bénéficié d’aucune sécurité ni de protection de la part des forces de l’ordre
», a rappelé M. Tall
404 victimes ont été recensées, avec des pertes estimées à 144 738 718 894 francs guinéens. Les dommages ont été constatés par les services judiciaires et répartis par zones :
• Zone A : 33 victimes (2,57 milliards FG)
• Zone B : 31 victimes (4,58 milliards FG)
• Zone C : 41 victimes (7,13 milliards FG)
• Zone F : 62 victimes (12,45 milliards FG), entre autres.
Pour les victimes, cette situation constitue une défaillance grave de l’État dans sa mission régalienne de protection des citoyens et de leurs biens. « Toute défaillance dans l’accomplissement de cette mission entraîne de facto la responsabilité de l’État et l’expose à réparation conformément à l’article 280 du Code des collectivités locales », a martelé le président du collectif.
Face à l’inaction des autorités, les victimes ont engagé dès le 19 décembre 2015 une action judiciaire en responsabilité civile contre les communes de Matam et Matoto, qui ne sont autres que des démembrements de l’État. Dix ans plus tard, le dossier reste sans issue définitive, alimentant la frustration et le sentiment d’abandon.
Les victimes disent avoir entendu « l’appel au pardon lancé par l’ancien président de la République, le Pr Alpha Condé », mais elles insistent sur la primauté de la justice.
« Nous exigeons la réparation avant le pardon », a souligné Ibrahima Tall, estimant que la réconciliation nationale prônée par les nouvelles autorités ne saurait se faire sans réparation des préjudices subis.
Saluant l’esprit d’apaisement et de réconciliation prôné par le Premier ministre, M. Amadou Oury Bah, sous le leadership du président de la République, le général Mamadi Doumbouya, les victimes appellent à un geste concret de l’État : « Nous sollicitons la bonne foi pour une réparation des dommages subis », ont-ils conclu, espérant que la commémoration du dixième anniversaire de ces événements marque enfin le début d’une véritable justice réparatrice.
Gnima Aïssata Kébé