A seulement 22 ans, Sita Bérété, élève en 12e année, raconte comment il a été piégé par une organisation frauduleuse se présentant comme une passerelle vers l’Europe. Un récit édifiant qui lève le voile sur une pratique de plus en plus inquiétante en Afrique de l’Ouest.
En Haute-Guinée, dans un petit village d’où il tente de reconstruire sa vie, Sita Bérété a choisi de parler. À 22 ans, cet élève en classe de 12e année a vécu une mésaventure douloureuse qui révèle l’ampleur et la complexité d’un système d’arnaque organisé, basé en Sierra Leone, sous la façade du réseau Qnet.
« J’ai été victime d’arnaque du réseau Qnet de la Sierra Leone », entame-t-il, la voix pleine d’émotion.
Son calvaire commence lorsqu’un membre de sa famille, résidant prétendument en Allemagne, le contacte. Ce dernier lui promet une opportunité de voyage par voie maritime depuis la Sierra Leone, facilitée par une société appelée « Aramex », censée faire passer des personnes en Europe sous couvert de transport de marchandises: << C’est un frère qui m’a appelé soi-disant qu’il y a un voyage là-bas, qu’une fois en Sierra Leone, qu’il y a des gens qui pourraient m’aider à prendre un bateau pour aller en Europe. Donc, on a parlé vu que le petit est un membre de ma famille, il m’a tout rassuré et ainsi que les procédures à suivre. A mon tour j’ai expliqué le cas à mon grand frère, même si je ne croyais pas trop à ce que l’autre frère m’a dit sur son entrée en Europe. J’ai tout de même appelé sa maman qui m’a aussi rassuré, que son fils est entrée en Europe, >> a expliqué le jeune Bérété
À peine arrivé, les individus se présentant comme ses accompagnateurs lui demandent de verser une importante somme d’argent 13 449 000 francs guinéens, soi-disant pour entamer le processus de voyage. Sita obtempère, confiant. Mais au lieu du départ promis, il est immédiatement placé sous surveillance, dépouillé de son téléphone et de son argent, et conduit dans ce que ses gens appellent une « salle d’attente », en réalité un lieu de formation et d’endoctrinement. Là, on lui apprend que pour poursuivre sa route, il doit vendre deux « produits » : en réalité, convaincre deux nouvelles personnes de se joindre au réseau : << Les produits, ce sont des personnes. Je devais appeler mes amis, leur dire que j’étais en Europe et qu’ils devaient passer par la Sierra Leone pour m’y rejoindre », raconte-t-il.
Le réseau use de toutes les techniques : lavage de cerveau, manipulations émotionnelles, tortures physiques, contrôle strict des communications… jusqu’à ce que Sita cède. Il est alors mis en scène dans un hôtel de Freetown pour simuler sa réussite. Il envoie de fausses vidéos à ses proches, incitant malgré lui d’autres jeunes à tomber dans le piège: << Ils m’ont donné une eau mélangée avec des produits, pour me traumatiser… Après un mois et deux semaines, j’ai cédé. »
Pendant plus de six mois, Sita vit dans des conditions inhumaines : une seule ration alimentaire par jour, violence, menaces, et formations incessantes pour apprendre à convaincre d’autres victimes.
Mais les choses finissent par tourner. Des parents inquiets en Guinée tirent la sonnette d’alarme. Des investigations sont lancées, et la police guinéenne se rend en Sierra Leone pour démanteler le réseau. Grâce à cette intervention, plusieurs jeunes parviennent à s’échapper, dont Sita: << Monsieur Diallo et son petit frère ont été arrêtés et extradés en Guinée », confirme-t-il.
Aujourd’hui, Sita tente de se reconstruire, loin de cette spirale infernale. Il vit dans son village, en Haute-Guinée, et lance un appel pressant à la jeunesse : << Je déconseille à tout le monde de se fier à ces réseaux. Ce ne sont que des pièges. »
Les autorités guinéennes, désormais alertées, promettent de renforcer les contrôles et la coopération transfrontalière pour lutter contre ce type de criminalité. Mais au delà de la répression, une sensibilisation massive s’impose, pour que les jeunes comme Sita ne soient plus victimes de leurs rêves.
Gnima Aïssata Kébé