Depuis quelques jours, les consommateurs guinéens constatent une détérioration de la qualité du service internet (Mobile et fixe), cette détérioration est en effet plus constatée chez l’opérateur dominant du pays. Par ailleurs, il faut rappeler par la même occasion que la qualité de l’internet en Guinée est une problématique existentielle depuis des années et cela malgré un maillage important du pays en fibre optique. D’après l’un des rapports de la Worldwide Broadband Speed League, la Guinée est classée avant-dernière du classement en Afrique en matière de qualité du débit internet et cela juste devant un pays africain en guerre. Cette qualité médiocre du service internet du pays par rapport à ses pairs du continent se retrouve en ce moment détériorer, créant ainsi frustration et inquiétude.
Au-delà de la légitimité des réclamations et même de la colère des consommateurs, nous nous devons en tant qu’acteurs de faire un diagnostic lucide et réaliste afin d’aider à trouver des solutions idoines.
Depuis au moins deux (2) ans, le secteur de la téléphonie est passé d’une situation de concurrence à une situation de monopole de fait. Ces derniers temps, cette situation de monopole s’est accentuée par le manque d’investissement des deux (2) sur les trois (3) opérateurs actifs sur le marché à cause des difficultés financières et organisationnelles de ces derniers. Une perte de 60% de la couverture d’un des deux opérateurs est constatée depuis quelques mois. Quant à l’autre Opérateur, il peine à sortir du gouffre après une récupération de ses actifs et passifs par l’Etat.
Cette problématique liée à la compétitivité explique le premier facteur de détérioration actuelle de la qualité des services internet et voix dans le pays.
En effet, la plupart des réseaux mobiles des opérateurs actuels ont été planifiés et déployés au moment où la compétitivité était rude et ou les différentes stratégies d’entreprise étaient influencées par la demande et non l’offre, donc en cas de changement non encadré par la régulation du statut de concurrence au statut de monopole total, il est tout à fait logique que l’opérateur dominant se trouve asphyxier par le Trafic et la demande des nouveaux clients qui viennent s’ajouter à son parc d’abonné. Cet exercice est très fréquent dans les secteurs dont le cœur métier est la fourniture de services (Banque, Télécommunication…). De façon plus simple, le réseau actuel de la Société Orange Guinée se trouve surchargé à cause de sa position d’opérateur dominant et détenteur de plus de 90% des parts du marché. Il faut aussi noter que la ruée vers l’un des produits de l’opérateur est aussi en train d’accentuer cette charge sur ses différentes bandes passantes qui de facto affecte la qualité des services au niveau de l’end-user (Consommateur final) que nous sommes.
A cause de l’absence d’un plan national prenant en compte l’ensemble des infrastructures déployées sur le territoire (Infrastructures routières, de télécommunications, d’eaux et d’électricité...) et servant de guide pour les entreprises lors des travaux publics, les coupures très fréquentes des infrastructures à fibre optique par les travaux publics sur les différentes routes affectent considérablement la qualité actuelle des services chez l’ensemble des Opérateurs (FAI, OPM…).
En ce qui concerne le coût des services internet et services assimilés, la problématique est plus structurelle qu’individuelle. Plusieurs éléments entrent en compte dans les différents catalogues de prix de l’ensemble des entreprises évoluant dans l’économie numérique du pays (FAI, Opérateurs d’infrastructure, Opérateurs mobiles…). Les plus importants de ces éléments sont entre autres : La fiscalité (taxes, redevances, frais de douanes, FSU…) ; Le coût des infrastructures actives et passives ; Le coût lié au transport via la fibre terrestre et sous-marine du pays pour les OPM et FAI, et le Coût d’exploitation…Pour influencer le coût du service internet à la baisse ou à la hausse il faut influencer dans le même ordre l’un ou plusieurs de ces leviers. Une action qui relève de la gouvernance politique du secteur (Rôle des pouvoirs publics).
Quelles solutions pour une meilleure qualité et un coût abordable du service internet et services assimilés en République de Guinée ?
Le secteur des télécommunications traversant en ce moment une période de déstructuration organique et fonctionnelle, il est primordial de prôner une gouvernance axée sur une réforme pouvant permettre la relance de la compétitivité dans le secteur de la téléphonie dans le pays. Plus spécifiquement, faire le choix entre une relance de la compétitivité à travers l’existant ou une relance à travers de nouveaux entrants. Avec un diagnostic et une évaluation sur la base des indicateurs actuels du secteur, il sera possible de faire un choix politique et de gouvernance plus sûr d’apporter des résultats concrets.
Dans les deux cas, notre pays n’a plus d’autres choix que de prôner la libéralisation totale du secteur des télécommunications et de son économie numérique et cela dans les faits, les décisions stratégiques mais aussi dans son cadre règlementaire.
La souveraineté numérique n’est pas synonyme de détention majoritaire d’une société de téléphonie par un Etat !
La souveraineté numérique se fonde et se construit sur notre capacité à maîtriser nos données et à adopter et intégrer nos solutions locales dans notre transformation numérique et digitale.
KABA MAMADI
Expert des Télécommunications &Spécialiste du développement Numérique
Auteur des livres : « Les Freins du développement Numérique en Guinée et ma Vision » ET
« Parvenir à un développement numérique de la Guinée à l’horizon 2030″
Email : [email protected]