Tous les militaires qui ont pris le pouvoir par les armes avaient déclaré auparavant ne pas avoir d’ambitions politiques et que leur objectif principal était de ‘’mettre de l’ordre dans le pays afin de le mettre sur les rails’’, après avoir énuméré tous les fléaux qui le gangrènent d’après eux.
Ce discours avait suscité de l’espoir et une certaine adhésion populaire. C’est de là qu’ils tirent la légitimité qu’ils n’ont pas obtenue à travers un vote. Et d’ailleurs, ils sont convaincus que la véritable source de la légitimité reste l’élection au suffrage universel. Le Président de la Transition du Mali disait, il n’y a pas longtemps, que la seule voie pour accéder aux fonctions politiques reste les élections.
C’est pour cette raison que les régimes de transition s’emploient presque tous à élaborer une constitution censée marquer une rupture avec le passé. Et dans toutes les constitutions élaborées en période de transition, on retrouve quasiment tous les principes démocratiques.
Il est important de relever également que ces constitutions prévoient toujours un serment que le Président de la République élu doit, en particulier, prêter avant d’entrer en fonction.
Il jure notamment de respecter et de faire respecter la constitution. C’est un engagement solennel devant Dieu et devant le peuple.
En raison de la charge morale et symbolique qui s’attache au serment, les militaires, les chefs de junte militaire actuellement au pouvoir ont, à la différence de leurs devanciers dans l’histoire des coups d’État, innové en rédigeant eux-mêmes ou en faisant adopter par les ‘’Forces Vives’’ une ‘’Charte de la Transition’’ qui prévoit un serment et organisé presque tous une cérémonie de prestation de serment. Mais, force est de constater aujourd’hui qu’ils sont presque tous poussés vers la violation de leur serment.
Dès lors, il se pose une question très simple : Si des groupes de citoyens sont capables de convaincre le président d’une transition à faire fi de son serment pour se porter candidat à une élection présidentielle, ne seraient-ils pas capables, avec le même modus operandi, de le convaincre de ne pas respecter la constitution sur la base de laquelle il sera éventuellement élu ?
Puisque toutes les constitutions issues des transitions militaires prévoient la limitation du nombre de mandats présidentiels, pour ne citer que cet exemple parmi d’autres, qu’est-ce qui empêcherait les mêmes citoyens de pousser un président de la République à briguer un “mandat de trop”, c’est-à-dire en violation de cette règle sous prétexte qu’elle n’est pas démocratique et que c’est le peuple qui devrait avoir le dernier mot ?
L’on se rappelle encore les arguments fondés sur un juridisme déconcertant, qui avaient été mis en avant lors du processus de changement de constitution dont la finalité était d’offrir au Président Alpha Condé un troisième mandat contesté par la majorité des Guinéens et brandi comme l’une des raisons du coup d’État du 5 septembre 2021.
Il est temps que l’on mène une profonde réflexion sur la place et l’importance du serment dans les textes, surtout quand il se rapporte aux fonctions les plus importantes. À quoi sert-il de prévoir un serment dans un texte quand on sait qu’il n’aura pas en pratique la valeur qu’il devrait avoir ?
Et quand la violation de serment se banalise et se normalise dans un pays, avec le concours plus ou moins explicite des citoyens, ces derniers s’exposent à des risques dont ils ignorent probablement la nature et la gravité.
Mohamed Traoré