A l’état actuel des choses, les militaires ne peuvent en aucun cas être la solution pour la construction de l’état de droit, gage de la bonne gouvernance, de la stabilité des institutions politiques et du développement. Ils le savent, nous savons qu’ils ne disposent ni des compétences, ni de la légitimité nécessaire, ni du mandat du peuple souverain. Ils constituent plutôt une menace réelle dans les pays où la démocratie est en gestation dans la mesure ils donnent l’impression aujourd’hui que ce sont eux les vrais dépositaires du pouvoir en réalité pas ceux choisis par le peuple.
Les motifs invoqués par les putschistes au Mali, au Burkina et Niger et dans une moindre mesure en Guinée sont illustratifs lorsque nous voyons leur comportement dans la gestion des transitions en cours devant permettre à un retour à un ordre constitutionnel normal dans un meilleur délai pour la continuité de la marche démocratique dans ces pays où le peuple a déjà payé un lourd tribu. Et cela pose une réelle préoccupation aujourd’hui en termes de gouvernance et constitue un recul démocratique à la fois inquiétant et dangereux, notamment en Afrique de l’Ouest où il y avait des signaux très encourageants avant que ces situations ne se produisent.
Bouclier des régimes en place, les forces de défense et de sécurité au lieu d’être au service de la république, comme cela se doit en démocratie, servent plutôt un petit clan qui les manipulent et utilisent à sa guise pour l’usurpation et la conservation du pouvoir par la force et la terreur en contrepartie des privilèges et avantages ce, au détriment du peuple.
Il y a donc une sorte de deal entre ces deux groupes sur le dos du peuple. Sauf que le plus souvent ce deal ne tient qu’à un fil dans la mesure où quand la crise s’enlise et que le peuple seul et unique souverain décide de résister à cette forme oppression en prenant en main son destin, il arrive souvent que les militaires tournent la situation en leur faveur comme cela s’est passé en Guinée après la tentative de la confiscation de pouvoir par le président Alpha CONDÉ en violation de son serment et des principes et valeurs républicains, fondement du contrat social. En démocratie, l’unique souverain reste le peuple qui a le droit de resister à l’oppression sous toutes ses formes. D’ailleurs, après la mort de Lansana CONTÉ en 2008, nous avions vécu à peu près le même scénario dans un autre contexte de crise de gouvernance. Malheureusement en Guinée, les gens ont la mémoire courte pour se souvenir du passé on dirait ! Dommage ! Les boucliers de la dictature d’hier qui faisaient tout au nom et compte du prince viennent se présenter en messie devant un peuple lassé par une crise multidimensionnelle en termes de gouvernance. Mais, les mêmes causes produisant les mêmes effets, l’histoire se perpétue et la bêtise continue…
Le pire paradoxe dans tout ça ce sont les donneurs de leçons de démocraties et des droits de l’homme d’hier qui après leur retournement de veste pour devenir des apprentis dictateurs devient le porte voix de la dictature pour déconstruire tout ce qu’ils ont contribué à construire au nom de leur intérêt obscurs. Quel reniement ! Dommage.
Dans une démocratie, la mission des forces de défense et de sécurité est d’assurer la sécurité de l’État, des personnes et des biens de manière responsable dans le respect de la législation en vigueur et non d’exercer le pouvoir politique tel que certains promoteurs de la nouvelle Constitution voudraient nous faire croire aujourd’hui au nom du principe d’égalité de ces citoyens de manière trompeur. Qu’ils arrêtent car nous le savons tous d’ailleurs, fondamentalement ce n’est pas un problème de Constitution que nous avons en Guinée mais plutôt un problème de respect des normes et lois de la république. C’est important de relever cette nuance.
Alseny SALL,
Acteur de la société civile.