On ne veut pratiquement pas en Guinée, que notre histoire nous serve de boussole. Et c’est l’origine probable de toute notre difficulté séculaire. D’un côté, on ne respecte pas nos institutions et lois, nos paroles et engagements pris, et donnés à notre peuple. Et chaque administration croit qu’il doit gouverner unilatéralement.
De l’autre côté, on n’hésite pas à mettre régulièrement des gens dans la rue même si ça n’a rien arrangé et n’arrangerait rien. Au contraire, nos compatriotes, leurs vies et biens subissent toujours les conséquences des industriels des crises socio-économiques qui ne doivent même pas avoir lieu.
Dans le cas présent, j’ai été parmi ceux qui ont cru et croient d’ailleurs encore que cette transition devrait et doit être la dernière de ce genre dans notre pays. J’ai estimé premièrement que la promulgation de la charte de la transition, l’adoption de la durée de la transition par le CNT et les points soulevés à réaliser par le gouvernement seront des nouveautés qui nous serviront de références pas à pas jusqu’au retour définitif à l’ordre constitutionnel dans le délai prévu et arrêté. Cependant, on avait proposé, à l’époque, de mettre immédiatement en place une commission de suivi et d’évaluation soit au niveau du CNT soit en choisissant certains de part et d’autre pour faire de telle sorte que l’application des points soit suivie pas à pas ; proposant ainsi des mesures nécessaires et à temps qu’en cas des obstacles rencontrés. Malheureusement, on a toujours aucun moyen de veiller sur l’application des points ni de pouvoir proposer des corrections nécessaires pour surmonter les obstacles techniques ou politiques inhérents à tout chronogramme d’une transition. Et c’est pourquoi je ne suis pas si surpris que nous ne pourrions pas finir la transition cette année.
Notre premier ministre sait déjà qu’il y a des programmes, leurs éventuelles applications et le contexte socio-politique. On a toujours eu des premiers ministres qui ont proposé de beaux plans pour changer complètement notre pays mais le contexte socio-politique les a empêchés. Parmi eux, M. Jean Marie Doré a singulièrement réussi en partie parce qu’il savait réellement depuis le début quelle était sa mission et comment l’accomplir. Et les Guinéens l’avaient accompagné dans cela. Certains peuvent critiquer ses actions mais il a au moins fait ce qu’il avait à faire.
Si le premier ministre actuel ne se concerte pas immédiatement avec les acteurs politiques pour leur expliquer les raisons d’un probable glissement du calendrier des élections, discuter sur ce qui doit être fait à partir de maintenant là, faire tout pour organiser au moins le référendum constitutionnel en fin de cette année, mettre en place une commission de suivi et d’évaluation pour veiller sur l’application des points du chronogramme, et enfin, réassurer le peuple, ses ambitions économiques n’auraient point de réels effets sur les Guinéens. Je doute même qu’il aurait le temps de le réaliser.
Il semble qu’on assistera à un éventuel glissement du calendrier. Je suis juste en train de conseiller à un minimum de bons sens, et d’appeler aux fibres patriotiques de part et d’autre pour trouver un consensus national. On doit le faire dans la paix pour ne pas assister à des conséquences néfastes et non-nécessaires pour les Guinéens. J’estime que s’il y aurait un glissement du calendrier, c’est le CNT qui doit le définir comme cela a été le cas de la première durée. Avant cela, le gouvernement doit se concerter avec les acteurs politiques, réassurer le peuple, mettre sur pied une commission de suivi et d’évaluation, et en finir avec la nouvelle constitution en fin de cette année. En tout cas, il serait difficile d’en finir complètement avec la transition en cette fin d’année. Il est cependant toujours possible de trouver un terrain d’entente entre le gouvernement et les acteurs politiques avec le peuple au milieu. Il s’agit de trouver une constitution qui résistera ou nous défendrait contre nous-mêmes, mettre de l’ordre dans les débats politiques et ceux qui l’animent, et organiser des scrutins dans lesquels seul le peuple choisirait.
Les questions qu’on doit se poser seront les suivantes : la Guinée gagnerait quoi au juste avec les nouvelles manifestations ? Réussiront-elles à finir la transition cette année ? Le gouvernement perdra quoi au juste en entreprenant certaines actions maintenant envers le peuple et les acteurs politiques ? On peut tous deviner les réponses et leurs portées sur le pays.
Procès des événements du 28 septembre 2009
Un procès, de quelle que nature que ce soit, donne généralement naissance a beaucoup d’interprétations liées aux humeurs des spectateurs et acteurs, et même aux visages des présumés coupables et victimes. Certains peuvent condamner les uns et innnoncenter les autres même s’ils n’ont pas fini d’écouter tous les intervenants et évaluer toutes les preuves sans oublier qu’ils ne sont même pas juristes ou traînés à juger. C’est pourquoi l’imam Ali (RA) disait : « Ce n’est pas en connaissant les gens qu’on peut juger la vérité, mais c’est plutôt la connaissance de la vérité qui permet de juger les gens. » Et c’est quoi la vérité ? L’autre répondra : « C’est l’harmonie entre la parole et la réalité. » Et quand au jugement, je dirai la capacité indépendante du juge d’écouter toutes les parties, d’écouter les témoins et évaluer sérieusement les preuves de part et d’autre dans le but d’aboutir à une décision.
Dans un procès, les principaux acteurs sont : le juge, les présumés coupables et les supposées victimes. On peut y ajouter les défendants de part et d’autre qui sont le parquet accompagné d’avocats de la partie civile, et les avocats de la défense. Le problème qui peut se poser et dont je vais insister là-dessus serait l’art de présenter les preuves éloquemment ou pas, et l’art de les manipuler pour orienter le juge. Quelqu’un peut avoir la vérité à son côté mais ne peut guère bien présenter ses arguments, l’autre maitrise bien les mots même si les faits ne sont pas en sa faveur. C’est ainsi que la tâche du juge devient ardue. C’est pourquoi le dernier Messager de l’Islam avertissait déjà les hommes qu’il devrait juger : « Je ne suis qu’un homme et je ne jugerai que ce que vous présenterez devant moi. Si quelqu’un connaît mieux manier la langue ou les mots et que je lui donne le droit de son prochain alors qu’il n’a pas raison, je ne ferai que lui précipiter en Enfer. »
Je peux soulever quand même de la mauvaise foi de certains accusés et témoins. D’un côté, il y a un colonel qui est parmi les accusés, il travaillait avec deux autres colonels accusés dont un serait son chef qui l’aurait mis en prison, et les événements du 28 septembre l’auraient trouvé ainsi enfermé. Ses amis auraient pu mieux faire, je le crois, pour aider le président du tribunal sur son cas. Dans le même sujet, un témoin s’était débrouillé pour maintenir la confusion là-dessus même quand le président a tout fait pour y voir plus clair. C’est dommage ! Au contraire, un autre accusé a clamé haut et fort que c’était lui qui aurait donné une permission à un autre accusé qui n’aurait pas pris part aux événements du 28 septembre 2009. Quelle que soit notre situation, on est appelé à nous attacher à la réalité et aux faits. Ces deux incidents nous enseignent beaucoup sur la nature humaine.
La réquisition du parquet.
Tout d’abord, j’ai cru qu’au moins ils proposeraient d’acquitter deux des accusés sur lesquels le procès public a parlé de leurs alibis qui posent de sérieux doutes sur leurs présences aux événements du 28 septembre 2009. Je suis avec intérêt la plaidoirie du maître Alsény Aissata Diallo sur un éventuel acquittement de deux d’entre eux. Si on n’est peut-être pas d’accord sur les identités, on partage le même avis quand il dit: « A l’issue de ce procès, je ne vise qu’un seul objectif: que les coupables soient sévèrement condamnés, que les innocents soient libérés et finalement que les Guinéens se trouvent, se réconcilient pour faire face au développement. »
J’ai cru qu’il aurait présenté les preuves et fait des réquisitions selon nos lois nationales parce que les Guinéens et la Communauté internationale ne veulent que la justice et peu importe qui la rendra. Et nos lois nationales ont deja prévu et puni les crimes et infractions poursuivis devant ce tribunal national. Quoi qu’il en soit, la culpabilité de tout accusé, en matière criminelle, doit être prouvée au-delà de tout doute raisonnable. Et chaque acteur a quasiment fait ou fera sa part, on verra la suite.
J’ai été donc surpris comme beaucoup de tous ces débats sur les réqualifications des crimes commis en crimes contre l’humanité. Je ne saurais dire ce qui a motivé une telle décision des représentants du ministère public. Est-ce qu’ils ont eu de problèmes à présenter des preuves pour avoir des condamnations, selon nos lois ? Est-ce que c’est en requalifiant ces crimes en crimes contre l’humanité qu’ils auront plus de chance d’atteindre leurs objectifs judiciaires ? Il reviendrait naturellement au juge de tirer tout ça au clair.
Justice finale dans le procès.
A travers quelques incidents, et comment il les a gérés, son obsession de faire en sorte que tous les acteurs respectent les règles en la matière, et surtout son insistance à respecter les droits des accusés, présagent qu’il prendrait une décision qui serait basée uniquement sur les preuves apportées et les lois du pays. On ne peut que prier Allah de raffermir ses pas.
Ibrahima Manda Doukouré,
économiste et écrivain.