Rappelons d’emblée que le passé de l’homme, marqué par une affaire de vol de vin « très cher » au très respectable Country Club de Hong Kong, a entraîné son rappel d’urgence par le Quai d’Orsay alors qu’il officiait en tant que Consul général de France à Hong Kong et Macao en 2010.
Selon le tabloïd Apple Daily du week-end, spécialiste des scandales impliquant les célébrités et les milliardaires de Hong Kong, le Consul aurait subtilisé, il y a plusieurs mois, une bouteille de plus de 30 000 HK$ (soit 3000 euros) au Hong Kong Golf Club, un lieu prisé par l’élite locale. Il aurait toutefois affirmé à la police avoir compris qu’il s’agissait d’un cadeau, ce qui avait entraîné la clôture de l’affaire.
Interrogé à ce sujet, le porte-parole du Quai d’Orsay de l’époque, Bernard Valero, a déclaré que M. Fonbaustier avait « reconnu les faits et remboursé », sans spécifier la nature exacte de ces faits. Il avait également annoncé précédemment qu’une « enquête administrative [était] en cours concernant les événements ayant motivé cette décision ». « D’après les éléments du dossier, ces événements pourraient ne pas être conformes aux normes de conduite professionnelle attendues d’un diplomate français. »
En poste en Guinée depuis plus de trois ans, l’Ambassadeur de France, Marc Fonbaustier, semble déterminé à soutenir pleinement la nébuleuse CNRD, allant jusqu’à renier les principes et valeurs dont se réclame son pays en matière de démocratie, de droits de l’homme et d’Etat de droit.
Et lorsqu’il s’agit de faire plaisir aux putschistes du CNRD, Marc Fonbaustier ne lésine pas sur les moyens comme en atteste le discours qu’il a livré lors du 14 juillet dernier, discours qui manqua de réveiller le Général de Gaulle de sa tombe et ne manqua pas de déclencher l’ire de l’Association des victimes du camp Boiro profondément heurtée par ses propos.
Très familier du Palais Sekhoutoureya, le Président Alpha Condé et ses proches pourraient témoigner de la nature singulière du personnage.
Par ailleurs, son analyse complaisante et accommodante de la situation sociopolitique actuelle de notre pays marquée par une transition opaque et autoritaire contraste avec celle du Directeur d’Afrique et de l’Océan Indien au Quai d’Orsay, M. Christophe Bigot, sur plusieurs points.
Marc Fonbaustier met un point d’honneur à insister sur le fait que tout va pour le mieux en Guinée et assume pleinement et de manière décomplexée son soutien à la junte lors des réunions du G5 (France, États-Unis, Système des Nations Unies, Union Européenne et CEDEAO) ainsi qu’en public.
L’Ambassadeur Fonbaustier semble très peu concerné par les violations graves et massives des droits de l’homme, les entraves tous azimuts portées à la liberté de la presse, l’enrichissement illicite, l’instrumentalisation des institutions républicaines, la justice en l’occurence, le piétinement des principes démocratiques, la politisation excessive de l’administration publique…
Lors de ses rencontres avec les Forces Vives de Guinée ( FVG), il affirme son soutien sans équivoque à la junte militaire. Les leaders du FNDC, du RPG, du MODEL, de l’UFDG, de l’UFR et du FFS l’ont appris à leurs dépens.
Cet état de fait a conduit sans doute la France , après de nombreuses protestations des forces vives de Guinée, à envoyer en avril dernier la secrétaire d’État, Madame CHRYSOULA ZACHAROPOULOU, afin de clarifier la position française qui est celle d’accompagner le peuple guinéen vers une transition inclusive et pacifique.
Depuis mars 2022, les Guinéens constatent avec consternation la reprise de plus belle de la coopération militaire, sécuritaire et budgétaire entre la Guinée et la France, laquelle avait été suspendue suite au coup d’État perpétré le 5 septembre 2021 par le CNRD.
Fonbaustier pilote la stratégie de renforcement des capacités opérationnelles des Forces armées guinéennes, notamment à travers la formation et l’acquisition de matériels adéquats pour faire face aux menaces sécuritaires actuelles tout en intensifiant la surveillance du territoire national.
Cette coopération entre la France et la junte militaire porte principalement sur des entraînements conjoints, la formation des forces de défense et de sécurité, en particulier en matière de renseignements, ainsi que sur la fourniture et l’achat de matériel militaire et le soutien budgétaire par des actions marquées de l’AFD dans plusieurs domaines. C’est donc peu dire qu’il semble peu concerné par le retour à l’ordre constitutionnel en Guinée.
La reprise de cette coopération est d’autant plus préoccupante que l’arsenal sécuritaire guinéen, nettement renforcé, est déployé depuis juillet 2022 pour intimider, harceler, traquer et réprimer les leaders et militants pro-démocratie lors des manifestations pacifiques du FNDC ou des Forces Vives de Guinée.
Au vu de la répression sanglante des dernières manifestations du FNDC et des Forces Vives de Guinée causant un bilan de 31 morts, plusieurs blessés par balles, des dizaines d’arrestations et des dégâts matériels importants, tout laisse présager que les moyens directement et indirectement mis à la disposition de la junte militaire guinéenne, dans le cadre de cette coopération militaire et sécuritaire, sont et seront mobilisés au service de la répression des populations guinéennes.
Dans ces conditions, ne pourrait-on pas, d’un point de vue légal et moral, s’interroger sur l’établissement d’une co-responsabilité entre les autorités guinéennes et la France dans la commission des violations graves et massives des droits de l’homme en Guinée ?
Cette reprise intensive de la coopération entre la France et la Guinée questionne d’autant plus que le Parlement Européen a, au point 4 d’une résolution adoptée le 5 mai 2022 sur les menaces pesant sur la stabilité, la sécurité et la démocratie en Afrique de l’Ouest et au Sahel, « réaffirmé avec force sa position selon laquelle toute coopération politique ou en matière de sécurité à long terme avec des acteurs de l’Union doit passer par un calendrier réaliste de retour à la démocratie prévoyant notamment des étapes claires et mesurables ; et rappelé qu’en l’absence d’un tel calendrier, toute coopération future avec des acteurs de l’Union est amenée à être remise en question ».
Aussi, convient-il de rappeler les orientations au cœur de la doctrine de la coopération militaire et sécuritaire des pays de l’UE axées sur la construction et le développement de l’État de droit, la défense des personnes et des biens, la maîtrise de l’espace des États, le renforcement des capacités africaines de maintien de la paix, la création de conditions favorables au développement et la lutte contre le terrorisme.
Le renforcement de la coopération économique et politique entre la Guinée et la France est crucial.
Toutefois, seul un cadre institutionnel légal et légitime peut assurer et garantir nos intérêts mutuels et permettre à la Guinée de déployer une diplomatie économique au service de sa population résolument tournée vers le développement.
Le sentiment anti-français observé chez une partie de la jeunesse africaine, et qui semble épargner pour l’instant la Guinée, se nourrit de l’ambivalence et de la complaisance de diplomates tels que Fonbaustier vis-à-vis de régimes dont la folie liberticide n’a d’égale que l’appétit vorace de pouvoir.
La prochaine parution portera sur des révélations inédites sur les relations de l’Ambassadeur Fonbaustier avec le régime défunt d’Alpha Condé et celui de son successeur, le légionnaire français Mamadi Doumbouya.
SEKOU KOUNDOUNO
RESPONSABLE DES STRATÉGIES ET PLANIFICATION DU FNDC