Le souverainisme affiché et le nationalisme chanté refont surface dans certains pays de l’Afrique de l’Ouest, à savoir le Mali et le Burkina Faso, à travers non seulement la population mais aussi les autorités militaires de ces deux pays. Cette attitude ou ambition n’est pas un mal en soi et surtout ce n’est pas une première dans ces États. Celle d’amener l’ancienne puissance coloniale, la France, à reconsidérer sa stratégie de Françafrique basée sur exploitation et expropriation du continent africain de ses ressources.
Dès le début des indépendances en Afrique, nombreux étaient des nouveaux chefs d’Etat de l’Afrique francophone qui avaient décidé de prendre leurs responsabilités de couper le cordon ombilical avec la France. Dans ce courageux et ambitieux combat très peu d’entre-eux ont pu échapper à la mort; la première victime fut Sylvanus Olympio du Togo, et beaucoup ont subi le même sort tels que Thomas Sankara en voulant simplement réhabiliter leurs pays voire le continent africain dans sa dignité et dans son honneur. En Guinée par exemple, on avait vu toute sorte de tentative pour éliminer Ahmed Sékou Touré, bien que la France ne soit pas arrivée à cette fin, elle a mis des bâtons dans ses roues.
Aujourd’hui, les mêmes chansons reviennent avec les mêmes refrains, ce qui serait bien évidemment difficile, on ne dira pas impossible, à atteindre l’objectif recherché par tout le continent depuis les années « 60 ». On est tous d’accord avec ces deux pays, à travers leurs dirigeants actuels (les juntes militaires), que la France doit abandonner définitivement sa stratégie du néocolonialisme. Mais il serait temps pour les chefs d’Etat actuels de changer de paradigme, de repenser les méthodes et de revoir les techniques et les tactiques en mettant la France à sa place. Et cela est bel et bien possible sans bruit ni fanfare et d’ailleurs sans se proclamer souverainistes ou nationalistes; qui malheureusement ces revendications souverainistes ou nationalistes n’ont absolument rien donné à l’Afrique.
On croit qu’on ne peut pas continuer à faire la même chose avec la même manière et avec les mêmes méthodes et nous attendre à des résultats différents, cela n’est pas possible.
Le combat de rendre à l’Afrique ce qui est à elle ne saurait se passer, en aucune manière, par l’affrontement direct et brutal.
Par contre, depuis 60 ans on est dans ce combat face à un adversaire redoutable qui ne veut pas abdiquer; à cet effet, on doit pouvoir être en mesure de connaître l’adversaire dans ses forces et ses faiblesses.
Dans l’art de la guerre de Sun Tzu, on peut savoir les règles de combat suivantes :
« Connais toi, connais ton adversaire, et cent batailles ne te mettront pas en danger. Si tu ne connais pas ton adversaire et que tu te connais, pour chaque victoire, une défaite. Si tu ne connais ni ton adversaire ni toi-même, à chaque bataille tu seras vaincu. » ou « Tout l’art de la guerre est basé sur la duperie. » et ou encore « L’art suprême de la guerre c’est soumettre l’ennemi sans combat. »
Ces règles de combat nous rappellent qu’on doit repenser les méthodes et revoir les techniques et tactiques pour atteindre vite et mieux les objectifs recherchés.
En politique, on dit souvent que ce sont les stratégies qui doivent commander les tactiques, et les stratégies sont aussi commandées par les objectifs à atteindre. Alors, faire triompher la force de l’argument et non l’argument de la force dans ce type de combat. L’exemple du Rwanda sous le magistère du Président Paul Kagamé est illustratif. Un pays qui a subi une guerre civile sans précédent, a pu recoller les plaies et les blessures et aujourd’hui ce pays est devenu un modèle de développement en Afrique voire dans le monde. Le leadership du président Paul Kagamé doublé de sa vision et son audace a contraint son ancienne puissance coloniale, la France, à reconsidérer sa stratégie avec son pays sans faire appel à une autre puissance. Il a pu remplacer le français à l’anglais comme la langue officielle du pays. En réalité, il a amené la France à traiter d’égal à égal avec son pays dans un respect mutuel sans problème. Tout cela a été rendu possible sans passer par l’affrontement direct et brutal ni d’hostilité et propagande face à l’ancienne puissance coloniale.
Certes, mieux vaut convaincre que de contraindre l’ennemi. On doit refuser désormais de mourir d’ignorance en ne nous habitant plus d’une dépendance éternelle dans le combat contre les mêmes trafiquants politiques et les mêmes exploiteurs économiques. Changer de partenaires (puissance protectrice) pour s’attendre à de bons résultats c’est de se tromper clairement, car les puissances ont tous les mêmes objectifs à atteindre en Afrique : bonnets blancs, blancs bonnets…, ce sont les mêmes. La France, les États-Unis, la Russie, la Chine… D’ailleurs, quant à la Chine pour être là où elle est aujourd’hui, elle n’a pas eu besoin de telle ou telle puissance.
Le Mali et le Burkina Faso clament à tort ou à raison la Russie pour chasser la métropole de leurs pays, sans se rendre compte que la Russie cherchera, elle aussi, à atteindre les mêmes objectifs que la France dans ces deux pays. Mais peut-être avec une stratégie asymétrique à celle la France. En tout cas, une chose est sûre la Russie ne viendra pas aider avec tous gros moyens sans contrepartie.
Cependant, avec la densité des convictions des autorités militaires du Mali et du Burkina Faso, les objectifs recherchés pour rendre à ces deux pays voire tout le continent ce qui leur appartient doivent être soutenus et encouragés afin de les atteindre. Mais les démarches reposant sur les anciennes stratégies et méthodes doivent changer. Parce que la source du mal est politique et donc le traitement de ce mal ne peut être que politique.
L’Afrique a subi et continue de subir tous les malheurs du monde causés par les grandes puissances. Bref, le continent africain est la synthèse douloureuse de toutes les souffrances de l’humanité.
Que l’Afrique aux africains; que le Mali aux maliens, que le Burkina Faso aux burkinabés, que la Guinée aux guinéens !
À quand l’Afrique cessera d’être le théâtre de la guerre d’influence entre la Chine, la Russie, la France, les États-Unis et la Turquie ?
Ibrahima KALLO, juriste
Spécialiste des relations internationales