Après des années de rigueur sous la conduite du professeur Alpha Condé
pour assainir le secteur minier guinéen, le coup d’Etat du 5 septembre 2021
a ramené la Guinée aux pratiques d’un autre âge où des intérêts privés de
certaines multinationales, prennent le pas sur l’intérêt national.
Il y a des symboles qui ne trompent pas. La compagnie Anglo
australienne, Rio Tinto, revient en Guinée, selon des informations recueillies
auprès de certains milieux économiques. Cette compagnie minière, ennemie
jurée du régime Alpha Condé, avait en son temps, mis le mont Simandou en
jachère pour protéger ses propres gisements en Australie et le cours mondial du
fer dans les cotations de la bourse mondiale. Aujourd’hui, la nouvelle junte au
pouvoir à Conakry multiplie les contacts avec la direction de la société
australienne.
C’est le dernier épisode d’une longue histoire. Lorsque le gouvernement
de Jean Marie Doré, alors Premier ministre de la Transition (2009-2010) leur
demandait de négocier avec l’Etat guinéen, les responsables de Rio Tinto
répondaient avec arrogance et mépris : « Nous négocierons, lorsqu’il y aura des
gens plus fréquentables à la tête de la Guinée ». Rio Tinto, qui avait participé au
financement de la campagne du candidat de l’Union des forces démocratiques
de Guinée (Ufdg) Cellou Dalein Diallo, était alors certain de la victoire de ce
dernier à l’élection présidentielle de 2010. Hélas pour elle, c’est le “diable
communiste”, le candidat Alpha Condé, qui l’emporta. Le candidat du
Rassemblement du peuple de Guinée, qui avait analysé la situation en tant que
juriste, refusa au départ de répondre aux offres de négociation formulées par Rio
Tinto dès le mois de décembre 2010. Il attendit février 2011 pour entamer la
discussion. Il préparait alors un nouveau Code minier avec l’accompagnement
de “ Revenue Watch”, (ONG créée par Georges Soros pour aider les pays
Africains à mieux négocier les accords miniers), lequel sera adopté en avril
2011. Entre temps, l’ONG avait fait le constat que Rio Tinto avait cédé des
actions à Chinalco sans consulter le
Gouvernement, alors que même l’ancien code exigeait l’accord préalable de ce
dernier pour toute transaction. Pour cette violation du code, le président Alpha
Condé infligea une pénalité de sept cent millions de dollars à la compagnie.
Ensuite, il imposa les conditions que le nouveau code en préparation allait
inscrire dans ses dispositions : La cession gratuite de 15% des actions au
gouvernement. Il alla encore plus loin, en exigeant la possibilité pour la Guinée
de pouvoir acheter 20% supplémentaires des actions, au cours du marché.
La Guinée pouvait dans ce cas détenir la minorité de blocage au sein de
l’entreprise. C’est à dire qu’aucune décision ne pouvait être prise sans son
accord. A la demande de Rio Tinto, plusieurs cadres guinéens prièrent le
Président de supprimer la mention “pénalités”, car celle-ci pouvait être
préjudiciable à l’image d’une entreprise cotée en bourse. Ces mêmes cadres
insistèrent pour que l’accord soit tout de suite signé. Ce fut chose faite. Mais
quelques temps après, Georges Soros attira l’attention du président Alpha Condé
sur une anomalie, en réalité un scandale : Rio Tinto avait transformé les 700
millions de pénalités en une avance sur les redevances à venir ! Révolté par une
telle mauvaise foi, le Président Condé annula l’accord. Rio Tinto fut contraint
alors de proposer un accord additionnel devant le notaire guinéen, Maitre Néné
Amie Barry et les notaires australiens, aux termes duquel « Afin de se conformer
à l’esprit de l’accord, Simfer S.A. s’engage à ne pas réclamer de déduction
d’impôts pour les 700 Millions USD » (voir annexe ci-jointe). Rio Tinto céda les
blocs 1 et 2. Hélas pour la Guinée, cette compagnie fit trainer les travaux des
blocs 3 et 4. Le minerai de fer qui était à 180 USD la tonne au moment de la
signature baissa progressivement jusqu’à 60 USD. Rio Tinto arrêta tous les
travaux. Le gouvernement guinéen et Chinalco se mirent alors d’accord pour
que ce dernier rachète les parts de Rio Tinto dans Simfer.
Après 10 ans d’une bataille juridique acharnée, le gouvernement guinéen
trouva enfin un accord à l’amiable avec Benny Steinmetz, qui permit à la Guinée
de lancer un appel d’offres pour les blocs 1 et 2. Le président s’opposa à ce que
Rio Tinto y participe. Après un appel d’offres dont les résultats furent salués par
tous, le consortium SMB-Winning sortit gagnant. Le Président exigea du
consortium l’engagement qu’il n’accepterait aucune discussion avec Rio Tinto.
Le consortium devait construire seul le chemin de fer et le Port. Le fer de
Simandou ayant une teneur de 65% et la plus grande mine de Rio Tinto en
Australie, une teneur de 38%, il est évident, que l’arrivée de Simandou sur le
marché allait obliger Rio Tinto à fermer sa mine d’Australie. Rio Tinto fera
donc tout pour retarder les travaux et l’arrivée du minerai de Simandou sur le
marché. Mais depuis l’arrivée du CNRD au pouvoir, le colonel Doumbouya
s’est précipité pour renouer avec Rio Tinto, laquelle est trop heureuse de
sanctuariser ses intérêts mal acquis. Alors, qu’est-ce qui a poussé aujourd’hui le
CNRD à signer avec Rio Tinto ? Nous vous le révélerons un peu plus tard…
Peter Malkovich chercheur, spécialiste du secteur des industries extractives en
Afrique)