Fallait-il s’y attendre ? Le temps ne tue pas finalement que nous les bipèdes et autres créatures du bon Dieu, y compris évidemment les petits malins qui passent, le temps d’un loisir, à essayer justement de tuer le temps, question de se dérober à une routine qu’ils trouvent sans doute pesante.
Le temps peut être tout aussi implacable avec les illusions. A l’image de celle que l’irruption d’un groupe de putschistes au-devant de la scène politique a produit, le temps d’une belle matinée dominicale de septembre, l’an dernier.
Il se pourrait que cette illusion-là ne se soit pas encore dissipée dans toutes les têtes, feront remarquer certains, en brandissant à l’appui quelques obscurs sondages.
Après tout, soit. Peut-être bien. Ne dit-on pas que tant qu’il y a la vie il y a de l’espoir ? Tout est question d’angle, de prisme, de discernement, de perception, et tutti quanti.
Cependant, sans jurer, la main sur le palpitant, on peut affirmer que l’ambiance n’est plus à la fête. L’espoir suscité par ce que beaucoup voyaient comme une salutaire renaissance n’en finit pas de s’effilocher, tel un rouleau de laine au milieu d’un tourbillon. Après plus de sept lunes de pouvoir kaki, ce qu’il en reste ne pourrait même pas suffire à tricoter une paire de mitaines. Vous savez, ces gants qui découvrent les doigts et qui semblent être bien appréciés de l’actuel « seul maître à bord après Dieu ».
Peu importe, par ailleurs, qu’elles soient assorties ou non avec les énormes lunettes de soleil qui barrent souvent son visage, lui donnant un air mystérieux et quelque peu inquiétant. Sans parler de ce look et de cette démarche alerte qui font penser à certains super-héros de blockbusters hollywoodiens, dotés d’un gabarit qui en impose et ne reculant devant rien pour sauver le monde. A l’image d’un Iron Man ou du justicier de Ghotam City, Batman.
Seulement, là il ne s’agit pas de fiction, il n’est pas non plus question de voler au secours d’un monde en péril, mais de la dure réalité d’un bled (le pays de notre héraut de la refondation) empêtré dans une transition qui ne fait plus rigoler. Où plutôt, qui commence à faire rire aussi jaune que le fanion d’un certain parti aujourd’hui en pleine tourmente. Ce qui met à vif les nerfs des Guinéens que l’on croyait pourtant immunisés contre tout, même des pratiques qui semblent sorties tout droit de l’imagination d’Alfred Jarry et de son « Ubu roi ». A moins que certains d’entre-eux n’aient développé, les pauvres, des penchants masochistes à force de recevoir, des décennies durant, les coups de trique de la part de pouvoirs au sadisme sans limite.
À qui la faute, si la transition souhaitée (quasiment) par tous, mais déjà abhorrée par un grand nombre, semble souffrir d’un symptôme de désorientation ?
À cette satanée boussole (Justice) censée la mener à bon port, alors qu’elle-même a perdu le nord depuis des lustres ? A la junte qui, par calcul visant à repousser l’heure du départ ou dans le souci d’entrer coûte que coûte dans l’Histoire, se disperse et joue à l’apprenti sorcier ? A la classe politique et la société civile plus que jamais divisées, où clins d’œil intéressés au nouvel homme fort du pays, stratégies de repositionnement sur l’échiquier politique et désir obsessionnel d’aller au plus vite à des élections se côtoient, non sans frictions ?
Quoi qu’il en soit, il serait temps pour celui qui reste le maître des horloges, d’assumer pleinement le rôle qu’il s’est attribué le 5 septembre 2021.
Pour éclairer un horizon qui est incertain, en proposant un chronogramme de la transition de commun accord avec les forces vives ; en faisant le tri entre l’important et l’urgent ; en distinguant l’accessoire de l’essentiel et en fixant le cap pour tout le monde.
Ce qui, en plus de mettre en évidence sa bonne foi, va aider à effacer de la tête d’une bonne partie de ses compatriotes une certaine impression : depuis qu’il tient les manettes, Doumbouya ne ferait que tirer des balles Dum-Dum… sur des rochers !
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