« Je vais bien. La situation est sous contrôle gouvernemental », lança-t-il, mardi soir, après cinq heures de détonations d’armes automatiques, sur son compte twitter. Le Général venait de mettre flamberge au vent. Les traits tirés, l’air fatigué, devant les caméras de la télévision nationale. Le Général vainquit des narco-putschistes.
Pour un pays réputé pour la fréquence des tentatives de coups, dix-sept au total avec à la clé quatre coups d’Etat réussis, Embalo et la communauté internationale peuvent se frotter les mains. S’en féliciter en raison notamment du fait que l’espace cédéao soit écumé par les coups militaires et affaibli par sa banalisation. Tout simplement, parce qu’il suffit depuis le double coup d’Etat malien, de tirer sur la garde prétorienne du président, le déposer et lui exiger démission au nom du salut du peuple, de la restauration de l’autorité de l’Etat ou du rassemblement pour le développement. Pour le moment, et heureusement d’ailleurs, cet autre président élu a échappé à la chevrotine.
Toutefois, il y a tout de même dans ce qu’il s’est passé avant-hier à Bissau un fait des plus incongrus. C’est bien l’indifférence du peuple. Plutôt que les Guinéens de Bissau n’ont pas si fortement crié leur empathie vis-à-vis de la tentative de braquage de sa souveraineté.
A contrario des liesses populaires visibles quand on a attenté le pouvoir légitime et légal de Kaboré, la semaine dernière. C’est à se demander s’il ne fallait pas y voir dans cette attitude des Guinéens de Bissau soit un manque de foi à la sincérité du putsch, c’est-à-dire qu’ils soupçonneraient leur Général d’avoir mis en scène le coup contre son propre pouvoir, soit ils se disent de ne pas trop crier victoire en raison justement de la récurrence des coups d’Etat dans ce pays. Et donc qu’ils feraient dans la prudence le temps de voir clair dans cet imbroglio. Cela ne peut être que cela, sinon il est inconcevable qu’on applaudisse l’irruption des militaires dans le champ politique et qu’on soit apathique à l’échec d’un coup de force.
S’il faut se résoudre désormais que c’est tout à fait acceptable de dégager n’importe comment et manu militari, des présidents élus, prétextant qu’ils ont échoué comme dans les cas malien et burkinabè, sur la question sécuritaire, c’est donc légaliser les coups d’Etat et ainsi les répertorier comme mode d’accès légal rationnel aux fonctions présidentielles. Surtout que derrière, l’on sera plébiscité par des manifs de joie dans la rue et le tout couronné par une charte de la transition sur laquelle le colonel prêtera serment devant les juges constitutionnels de respecter et de faire respecter son contenu au risque de parjurer. C’est bon d’être, ces temps-ci, colonel sous les tropiques !
Kabinet FOFANA