À l’occasion de la deuxième édition de la Journée Internationale de la Langue Soninké, qui s’est tenue à Kindia ce 25 septembre 2025, l’écrivain et analyste socio-économique Ibrahima Manda Doukouré a livré un message puissant sur l’importance de la préservation et de la promotion de cette langue historique, un lien vital pour les communautés qui la parlent à travers l’Afrique de l’Ouest et au-delà. Dans un entretien exclusif, il a approfondi les enjeux culturels, sociaux et éducatifs liés à cette langue millénaire, ainsi que son rôle central dans le maintien des identités et des valeurs des peuples Soninké.
Le Soninké, une des langues les plus anciennes de la région ouest-africaine, porte en elle l’histoire de l’un des plus grands empires d’Afrique, l’Empire du Ghana. Plus qu’un simple outil de communication, cette langue incarne un véritable héritage culturel et historique. Ibrahima Manda Doukouré insiste : « La langue Soninké fait partie intégrante de notre patrimoine, de notre identité. Elle n’est pas seulement un moyen de parler, elle est un véhicule de notre histoire et de nos valeurs ». Ainsi, le Soninké permet aux communautés de maintenir un lien avec leur passé, de transmettre leurs traditions et de renforcer leur cohésion.
Cependant, à l’heure de la mondialisation et des évolutions rapides des sociétés modernes, la langue Soninké fait face à des défis majeurs, notamment en ce qui concerne sa transmission aux jeunes générations. Cette problématique est particulièrement marquée par les migrations et les changements démographiques. Selon Ibrahima Manda Doukouré, les femmes jouent un rôle primordial dans ce processus de transmission : « Les femmes sont souvent les premières éducatrices de nos enfants. Elles ont une influence décisive sur l’apprentissage de la langue dès le plus jeune âge ». Ce rôle est fondamental dans le maintien de la langue, car l’apprentissage de la langue maternelle dès l’enfance est essentiel pour préserver une identité culturelle forte et profonde.
Pour soutenir cette dynamique, l’écrivain propose une intégration de la langue Soninké dans les systèmes éducatifs des pays où elle est parlée.
À ses yeux, « l’enseignement de la langue nationale ne doit pas être un obstacle à l’apprentissage des langues internationales. Au contraire, il constitue un atout pour mieux comprendre notre patrimoine tout en s’ouvrant au monde ». Cette approche pourrait aider les jeunes générations à s’approprier pleinement leur culture tout en s’intégrant harmonieusement dans un monde globalisé.
Un autre aspect abordé par Ibrahima Manda Doukouré est l’implication croissante de la diaspora Soninké, notamment en Afrique de l’Ouest mais aussi dans des pays lointains comme la France ou les États-Unis. La diaspora joue un rôle clé dans la préservation de la langue et de la culture. Un exemple frappant de cette dynamique est l’introduction de l’enseignement du Soninké dans une école secondaire du Bronx à New York : « Cela montre qu’il n’est jamais trop tard pour commencer à promouvoir notre langue. L’essentiel est de poser la première pierre et d’encourager les autres à suivre », précise Ibrahima Manda Doukouré. Cette initiative illustre la résilience de la langue Soninké et son potentiel à traverser les frontières géographiques et culturelles.
La Journée Internationale de la Langue Soninké, qui a connu un grand succès lors de sa deuxième édition à Kindia, va bien au-delà de la simple célébration linguistique. Cet événement est un véritable catalyseur pour la mise en valeur de la culture Soninké et pour renforcer les liens entre les communautés qui partagent cet héritage. Ibrahima Manda Doukouré souligne : « Le nom même de cette journée porte un message fort. Il va bien au-delà de la simple célébration linguistique : il s’agit de mettre en avant notre héritage culturel commun et de renforcer les liens entre toutes les communautés de Guinée, et au-delà ».
Cette journée a été l’occasion de rassembler les différentes communautés Soninké mais aussi d’élargir la discussion à d’autres groupes ethniques. En attirant des participants issus de divers horizons, elle a favorisé un véritable dialogue interculturel et renforcé la cohésion sociale : « Cet événement a prouvé que l’unité et la solidarité sont des valeurs universelles qui transcendent les différences », affirme Ibrahima Manda Doukouré. Il ajoute que ces échanges sont essentiels pour promouvoir une meilleure compréhension mutuelle et construire une nation plus forte et plus solidaire.
Pour Ibrahima Manda Doukouré, la préservation de la langue Soninké ne doit pas être vue comme un acte isolé, mais comme une démarche intégrée dans un projet global de valorisation de la culture : « Il est impératif que nous continuions à avancer sur cette voie, à encourager les jeunes générations à apprendre et maîtriser la langue de leurs ancêtres. En même temps, il est tout aussi important de connaître et de respecter les langues des autres communautés », insiste-t-il.
Cette vision va au-delà de la seule préservation linguistique. Elle s’inscrit dans un processus plus large qui vise à renforcer les liens sociaux, culturels et identitaires, tout en ouvrant de nouvelles perspectives pour un avenir commun. Ibrahima Manda Doukouré conclut : « Plus nous nous comprenons, plus nous faisons confiance les uns aux autres. C’est ainsi que nous renforcerons notre cohésion et que nous pourrons bâtir une nation plus unie et prospère ».
Gnima Aïssata Kébé