Soixante-sept ans jour pour jour après un tournant décisif dans l’histoire contemporaine de l’Afrique, la mémoire collective guinéenne et africaine continue d’honorer un acte de courage politique hors du commun : le refus catégorique de la Guinée d’adhérer à la Communauté française proposée par le général Charles de Gaulle.
Ce 25 août 1958, dans une atmosphère lourde d’enjeux historiques, le président français entame une tournée en Afrique pour convaincre les colonies de soutenir un nouveau projet constitutionnel qui prévoyait une autonomie encadrée, mais toujours dans le giron de la métropole. À Conakry, il se heurte à la détermination d’un homme : Ahmed Sékou Touré, alors secrétaire général du Parti Démocratique de Guinée (PDG).
Dans un discours qui marquera à jamais l’histoire, le leader guinéen proclame avec fermeté : « Nous préférons la liberté dans la pauvreté à l’opulence dans l’esclavage. »
Par cette déclaration sans équivoque, la Guinée devient le premier pays d’Afrique subsaharienne à rejeter le projet gaulliste, optant pour une indépendance pleine et entière.
Ce choix, entériné par le référendum du 28 septembre 1958, au cours duquel le peuple guinéen vote massivement « non » à la nouvelle Constitution française, marque le début d’un processus irréversible. Le 2 octobre 1958, la République de Guinée proclame officiellement son indépendance, devenant ainsi un modèle de souveraineté pour de nombreuses nations africaines en quête de liberté.
Mais ce geste audacieux ne fut pas sans conséquences. La réaction de la France est immédiate : retrait précipité de ses cadres administratifs, suspension de l’aide technique et démantèlement des infrastructures mises en place par la colonisation. Confrontée à cet isolement brutal, la Guinée choisit de s’autodéterminer, posant les jalons d’un État qui devra, malgré les obstacles, se construire sans dépendance.
Ce moment charnière s’inscrit dans l’histoire du panafricanisme comme un symbole de résistance et d’émancipation. Le « Non » de Conakry, au-delà de ses répercussions nationales, incarne la fierté d’un continent décidé à rompre avec l’héritage colonial et à forger sa propre voie.
Aujourd’hui, 67 ans après, ce refus résonne encore comme un acte fondateur. Il rappelle la force d’un peuple qui a su, par la voix d’un de ses fils, dire non à la soumission, et choisir la liberté comme condition non négociable de sa dignité.
Gnima Aïssata Kébé