L’Union des Forces Démocratiques de Guinée (UFDG) n’en est pas à sa première crise interne. Mais celle qui secoue aujourd’hui le parti n’est pas le fruit d’un désaccord idéologique ni d’une divergence stratégique sur l’avenir de la Guinée. Non. Cette fois, c’est un conflit d’influence aux relents domestiques qui s’invite au cœur de la machine politique, brouillant le message et affaiblissant l’image d’un parti déjà en perte de vitesse.
Au centre de la tempête : Hadja Halimatou Dalein, épouse du président de l’UFDG. Après un long séjour à l’étranger, elle fait un retour remarqué — pour ne pas dire retentissant — sur la scène politique interne. Meetings, mobilisations, prises de parole… son activisme est visible, bruyant et… dérangeant.
Dérangeant, car il ne s’inscrit pas dans les règles du parti. Hadja Halimatou participe aux réunions du Conseil politique, organe réservé aux membres officiels. Une présence jugée illégitime par plusieurs cadres, qui dénoncent une violation flagrante des procédures internes. Le vice-président chargé des affaires politiques, Bano Sow, aurait même été chargé de lui rappeler que les statuts ne se plient pas aux ambitions personnelles. Résultat : un nouveau front de tensions, opposant les partisans de la première dame de l’UFDG à ceux qui refusent qu’on transforme le parti en affaire de couple.
Mais derrière la querelle de forme, c’est une guerre de positionnement qui se joue. En coulisses, certains accusent Hadja Halimatou de chercher à se bâtir un rôle politique autonome, voire à s’imposer comme héritière ou alternative à son mari. Une ambition d’autant plus explosive qu’elle se superpose à des rumeurs persistantes : l’absence prolongée de Cellou Dalein en Côte d’Ivoire, auprès de sa seconde épouse, aurait ouvert une brèche, nourrissant les spéculations sur une fracture personnelle et politique au sommet du parti.
Cette bataille d’influence exacerbe des clivages déjà profonds. Les réformateurs, eux, réclament une refonte des méthodes et du leadership. Plusieurs vice-présidents, dont Kalémou Yansané, Fodé Oussou et Aliou Condé, rappellent que la légitimité politique passe par le respect strict des structures officielles. Pendant ce temps, les soutiens de Hadja Halimatou applaudissent son énergie, y voyant une opportunité de renouvellement… ou un moyen d’affaiblir les rivaux internes.
Le 9 août dernier, la fracture est devenue visible. Hadja Halimatou préside l’assemblée générale de l’UFDG. Plusieurs cadres boycottent la rencontre, dénonçant un passage en force. L’image est désastreuse : un parti qui ne parle plus d’une seule voix, où l’absence du leader principal laisse le champ libre à des initiatives personnelles qui alimentent les divisions.
Et comme si cela ne suffisait pas, certaines de ses prises de parole publiques sont jugées maladroites, voire inadaptées au discours traditionnel de l’UFDG. Des messages qui brouillent encore davantage l’identité politique du parti à un moment où la clarté devrait être la règle.
Soyons clairs : si l’UFDG continue à se déchirer sur des querelles conjugales, il perdra le peu de crédibilité qu’il lui reste. Ce n’est pas avec des rivalités domestiques qu’on construit une alternative politique nationale. Ce n’est pas en transformant un parti en terrain de règlement de comptes familial qu’on gagne la confiance des Guinéens.
La Guinée a besoin d’un leadership solide, d’un projet clair, d’une vision partagée. Pas de scènes de ménage déguisées en manœuvres politiques. Tant que l’UFDG sera prisonnier de ces tensions internes, il restera spectateur des grands débats nationaux, incapable d’incarner l’espoir et le changement.
Un parti, ce n’est pas un salon privé. C’est une institution. Et quand la politique devient une affaire de couple, c’est toujours le peuple qui finit perdant.
Alpha I BARRY
Sociologue et Analyste politique