Comme chaque année, les pluies diluviennes frappent la capitale guinéenne, mettant en lumière les failles persistantes de l’urbanisme, de l’assainissement et de la gouvernance urbaine. Alors que les sinistrés tentent de panser leurs plaies, un message de l’ancien président Alpha Condé, publié sur les réseaux sociaux, suscite une vague de réactions dans l’opinion.
Dans cette déclaration publique, l’ancien chef de l’État se montre solidaire des victimes tout en dénonçant fermement l’inaction du régime en place. Il y voit les conséquences d’un pouvoir « corrompu et déconnecté », incapable de protéger les citoyens face à une tragédie devenue quasi structurelle.
Mais ces propos soulèvent une interrogation légitime : comment ignorer que le phénomène qu’il déplore aujourd’hui était déjà bien ancré durant ses onze années au pouvoir ?
Un fléau ancien, des solutions repoussées
Les inondations à Conakry n’ont rien de nouveau. Elles sont la résultante d’un cumul de facteurs connus : constructions anarchiques sur les zones marécageuses, absence de système efficace de drainage, occupation des emprises naturelles et gestion déficiente des déchets.
Ces problèmes, identifiés de longue date, figuraient déjà dans les rapports des services techniques, les plaidoyers des ONG, et les cris d’alerte des populations. Pourtant, aucun plan d’aménagement structurant n’a été mis en œuvre durant la décennie de gouvernance du Pr. Alpha Condé.
Une indignation légitime, mais une mémoire sélective
La compassion exprimée par l’ancien président est légitime. Mais le recul du temps impose une forme d’honnêteté politique : gouverner, ce n’est pas seulement dénoncer après coup, c’est agir quand on en a le pouvoir.
Aujourd’hui, le peuple attend des autorités en place des actes concrets. Mais il est également en droit de s’interroger sur les occasions manquées d’hier, tant les causes structurelles des inondations sont anciennes.
Gouvernance et continuité : la responsabilité est partagée
La gouvernance, par nature, s’inscrit dans la continuité. Les drames auxquels nous assistons ne sont pas nés avec l’actuel gouvernement. Ils sont le fruit d’un empilement de renoncements, de sous-investissements et d’absences de planification.
Dans ce contexte, toute parole politique, pour être crédible, doit s’accompagner d’un devoir de mémoire et d’autocritique. Reconnaître les limites de son propre bilan n’est pas une faiblesse. C’est une exigence morale, un pas vers la réconciliation avec l’histoire.
Un appel à rompre avec les habitudes de l’improvisation
Sortir de cette spirale implique une vision claire et des politiques durables :
* Définir une stratégie nationale d’assainissement et de drainage ;
* Libérer les emprises naturelles illégalement occupées ;
* Réhabiliter les infrastructures vieillissantes ;
* Impliquer les collectivités, le secteur privé et la société civile dans une démarche participative.
Mais surtout, il est urgent d’installer une culture de prévention, en lieu et place de la réaction émotionnelle après chaque catastrophe.
Au-delà des discours, des engagements concrets
L’émotion ne peut masquer les responsabilités. La compassion ne doit pas faire oublier l’action.
Si l’on veut réellement bâtir une Guinée résiliente face aux dérèglements climatiques et aux défis urbains, nous devons accepter de relire notre propre parcours avec lucidité.
Car au fond, ce que les Guinéens attendent, ce ne sont pas des discours d’après-mandat. C’est une cohérence entre ce que l’on dit, ce que l’on a fait, et ce que l’on propose.
Abdourahamane NABE
Responsable RSE
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