La gouvernance des sociétés publiques constitue un levier stratégique essentiel pour le développement économique et social des pays en développement. La présente étude s’attache à proposer une analyse comparative des dispositifs de gouvernance en vigueur au sein des sociétés publiques en Guinée, au Bénin et au Burkina Faso. Elle s’intéresse, de manière rigoureuse, à l’examen des cadres juridiques et réglementaires, des pratiques managériales ainsi que des mécanismes de contrôle institutionnels mis en œuvre dans chacun de ces contextes nationaux.
Le Bénin, reconnu pour ses efforts en matière de réformes économiques et de gouvernance, offre un modèle intéressant pour l’analyse de la gouvernance des sociétés publiques. Nous nous concentrerons sur trois aspects principaux : la structure de gouvernance, les réformes récentes et leurs impacts, ainsi que des études de cas spécifiques illustrant ces dynamiques.
Structure de gouvernance
La bonne gouvernance vise à créer des États capables et efficaces, ainsi qu’un environnement propice dans lequel les secteurs public et privé jouent leurs rôles respectifs de manière mutuellement bénéfique, afin de réduire la pauvreté et d’assurer une croissance et un développement durables. Cette notion de gouvernance s’applique également aux entreprises publiques au Bénin, qui sont directement rattachées aux ministères de tutelle.
Structure de gouvernance
La bonne gouvernance vise à créer des États capables et efficaces, ainsi qu’un environnement propice dans lequel les secteurs public et privé jouent leurs rôles respectifs de manière mutuellement bénéfique, afin de réduire la pauvreté et d’assurer une croissance et un développement durables. Cette notion de gouvernance s’applique également aux entreprises publiques au Bénin, qui sont directement rattachées aux ministères de tutelle.
Cependant, cette prérogative pose la question de la désignation des dirigeants, notamment lors des alternances politiques. Au Bénin, l’alternance se déroule généralement sans troubles majeurs, mais elle s’accompagne souvent de bouleversements liés aux changements de pouvoir. Les dirigeants politiques ont tendance à remplacer les responsables des entités sous contrôle de l’État afin de positionner leurs propres soutiens, dans le but de récompenser leurs alliés politiques, d’accroître leur popularité et de conserver le pouvoir.
Ainsi, la responsabilité accrue des dirigeants politiques dans la mise en œuvre de la bonne gouvernance des entreprises publiques est mise en évidence. Le Conseil des ministres, en tant qu’organe de gouvernance le plus influent, approuve le budget, les orientations stratégiques, les rapports de gestion et les états financiers de ces entreprises.
En somme, les trois organes identifiés (Conseil d’administration, Comité de direction et Conseil des ministres) constituent la gouvernance des entreprises publiques à des degrés variables d’influence, les décisions d’envergure étant du ressort du Gouvernement et les dirigeants constamment sous influence politique. Cette situation soulève la problématique de la gouvernabilité effective des entreprises publiques, notamment dans le secteur maritime, dans un contexte de crise et d’exigences accrues en matière de bonne gouvernance.
Reformes récentes et impacts : Étude de cas
Le Bénin, loin d’être un modèle, connaît tout de même des signes de bonne gouvernance, signes bien illustrés par l’exemple de la Sobaps. Créée il y a quelques années seulement, la Société béninoise pour l’approvisionnement en produits de santé (Sobaps) fait déjà son entrée dans le cercle des entreprises publiques les mieux gouvernées au Bénin. À l’occasion de la revue annuelle 2023 de la gouvernance des entreprises publiques, organisée par le Ministère de l’Économie et des Finances, Sobaps a été distinguée en recevant le premier Prix des champions de la Reddition des comptes des entreprises publiques. La cérémonie de distinction s’est déroulée le jeudi 7 décembre 2023 au Palais des Congrès à Cotonou.
Cette distinction a été décernée par la Direction générale des participations de l’État et de la dénationalisation (DGPED), une direction du Ministère de l’Économie et des Finances. La DGPED a pour mission de surveiller financièrement les sociétés d’État, les agences et les offices, et de veiller à la bonne gouvernance. Sobaps, née sur les cendres de la Centrale d’achats des médicaments (Came), a remporté le premier Prix des champions de la Reddition des comptes des entreprises publiques lors de cette revue annuelle.
Sur les 175 sociétés d’État, agences et offices d’État concernés par la Revue annuelle 2023, Sobaps s’est distinguée comme la meilleure entreprise publique en matière de reddition de comptes. Les entreprises publiques évaluées devaient répondre à plusieurs critères, dont la production d’informations financières fiables et sincères, l’arrêt des comptes et la transmission des états financiers dans les délais légaux au Ministère de l’Économie et des Finances, et la présentation de comptes certifiés par un commissaire aux comptes.
Au terme de l’évaluation pour l’exercice 2022, seulement 10% des sociétés d’État et établissements publics ont transmis leurs états financiers dans les délais. Parmi ces entreprises, Sobaps a été classée première, suivie par l’Institut national de la statistique et de la démographie (INSTaD) et l’Agence pour le développement intégré de la zone économique du Lac Ahémé et de ses chenaux (Adelac). Ces distinctions sont conformes aux dispositions de la loi 2020-20 du 2 septembre 2020 portant création, organisation et fonctionnement des entreprises publiques en République du Bénin.
La distinction de Sobaps illustre plusieurs aspects clés de la bonne gouvernance au Bénin. Premièrement, elle souligne l’importance de la transparence financière et de la reddition de comptes dans les entreprises publiques. La capacité de Sobaps à produire et à transmettre des informations financières fiables et dans les délais légaux démontre une rigueur et une discipline financière exemplaires.
Deuxièmement, cette distinction met en lumière le rôle crucial des organes de surveillance comme la DGPED dans la promotion de la bonne gouvernance. La surveillance active et les évaluations régulières des performances financières des entreprises publiques encouragent une gestion responsable et transparente.
Enfin, le succès de Sobaps, une entreprise relativement nouvelle, prouve que l’application stricte des principes de bonne gouvernance peut rapidement transformer et améliorer la performance des entreprises publiques. Les efforts concertés du Conseil d’administration et de la Direction générale de Sobaps ont permis à l’entreprise de se hisser au sommet, servant de modèle pour d’autres entreprises publiques au Bénin. Par ailleurs, le Bénin, au même titre que ses pairs, connaît certains problèmes en matière de bonne gouvernance.
Pour éclairer cette question, nous nous sommes basés sur les organes de gouvernance de trois entreprises publiques : Le Port, La SOBEMAP et la COBENAM. Cette étude nous a permis de constater que ces entreprises sont dirigées par trois niveaux de gouvernance : le Gouvernement (via le ministre de tutelle), un Conseil d’Administration et une Direction Générale. Cette structure tripartite place les entreprises publiques entre le marteau et l’enclume. D’un côté, l’administration (le ministère) et de l’autre, des organes répondant aux standards de la gouvernance privée (le conseil d’administration et la direction générale). Dès lors, il est crucial de déterminer quel rôle effectif jouent ces organes. Parmi les organes de gouvernance mentionnés, lequel détient des responsabilités effectives dans la gestion de ces entreprises ? En cas de mauvaise gouvernance, sur qui repose la responsabilité ? Est-ce le Ministre, le Président du Conseil d’Administration, les Administrateurs, ou le Directeur Général ? Une analyse des différents gouvernements depuis 1990 révèle qu’aucun Ministre n’a été démis de ses fonctions pour mauvaise gestion d’une entreprise publique, du moins à notre connaissance. Il en va de même pour les administrateurs, y compris le Président du conseil d’administration, souvent le Ministre ou son représentant. En revanche, il est notoire que les Directeurs Généraux sont sanctionnés en cas de mauvaise gestion. Par exemple, le Port Autonome de Cotonou a connu vingt-trois Directeurs Généraux en moins de cinquante ans, soit en moyenne un DG tous les deux ans. Plus récemment, l’entreprise a enregistré en moyenne un DG par an depuis 2006. Comment assurer une gouvernance efficace dans ces conditions ? Peut-on bien diriger en sachant que son mandat est de courte durée ? Cette réflexion mérite d’être approfondie.
Après avoir exploré les pratiques de gouvernance et les mécanismes de contrôle financier des sociétés publiques au Bénin, il est intéressant de se tourner vers le Burkina Faso. Analyser le modèle burkinabé nous permettra de comparer les approches et de mieux comprendre les spécificités régionales en matière de gestion des entreprises publiques.
Organisation et gestion des sociétés publiques
Les années 1960 ont marqué le début des indépendances en Afrique de l’Ouest, y compris au Bénin (anciennement le Dahomey) et au Burkina Faso (anciennement la Haute-Volta). À cette époque, les jeunes États francophones ont dû faire face à des besoins croissants en infrastructures stables et durables. Cela a conduit ces États à envisager la création d’entités économiques sous la tutelle de l’administration centrale, dans le but de répondre à ces besoins. Ce rappel historique met en lumière la logique de création des sociétés d’État, qui traduit un intérêt « commun » de ces États à une période similaire, à savoir la période postcoloniale.
Analyser les logiques de gouvernance s’inscrivant dans une perspective compréhensive ne peut s’effectuer en marge de la compréhension de l’organisation et fonctionnement des sociétés d’Etat ou encore des entreprises publiques, objet de travail. Il est moins question de présenter les entreprises étudiées. Il est plutôt convenable de parler de cliché de la gouvernance sous sa dimension « structure ».
Après l’analyse de cette gouvernance (organes de gouvernance), il paraît important d’identifier trois niveaux de gouvernance au Bénin et deux principaux organes au Burkina Faso.
Au Bénin, la gouvernance des sociétés d’Etat se présente comme suit : CONSEIL DES MINISTRES (CM), du CONSEIL D’ADMINISTRATION (CA), du COMITE DE DIRECTION (CODIR).
Le triple niveau de « représentation » de la gouvernance de la société d’Etat au Bénin, puisque c’est d’elle il est question, pose la question de savoir à qui appartient la direction ? : est-ce au CM ? Au CA ? Ou au CODIR ? Au Burkina Faso, une gouvernance « quadripolaire » caractérise la gouvernance des sociétés d’Etat. Cette représentation n’excluant pas la jonction du CA au Gouvernement en termes d’adéquation entre programme gouvernemental et politique et stratégie de l’entreprise qu’est la société d’Etat.
La gouvernance au Burkina Faso traduit la logique de séparation du « politique » et de « l’économique ». Avec pour manifestation apparente, « l’autonomie » des sociétés d’Etat qui devraient disposer des marges de manœuvre nécessaires à un fonctionnement « optimal ». Cette optimalité devant faire l’objet de questionnement en termes de performance : raisonnable ? Prudente ? Rusée ? Les marges de manœuvre en question n’étant pas sans effets non désirés ou inattendus. Mais il est tout aussi plausible de conclure à une superposition de conflits, de jeux de pouvoir et même de contrôle. Perçue de cette manière, la gouvernance des sociétés d’Etat au Bénin et au Burkina présente l’intérêt de similitude au bas de l’échelle. L’entreprise ou la société d’Etat tout comme la société privée ne peut fonctionner sans commandement opérationnel : la Direction Générale.
De même, les deux logiques de gouvernance admettent l’idée d’un contrôle sur l’opérationnel. Ainsi, on note la présence de conseil d’administration dans chacun des cas. Cet organe étant une émanation du gouvernement (Ministère de tutelle et autres Ministères) de part et d’autre. Et c’est à partir de là que se démarque chacune des logiques. Au moment où le Burkina évolue en optant pour une Assemblée Générale des Actionnaires, réunissant les Administrateurs des sociétés d’Etat au sein d’un même et unique organe qu’est l’AG, la gouvernance des entreprises ou sociétés d’Etat au Bénin obéit directement aux politiques nationales émanant du Conseil des Ministres.
La question étant de savoir le rôle de ce CA dans le contrôle de la gestion de la société lorsqu’on analyse sous le prisme de son rattachement avec le conseil des ministres, organe suprême en charge de l’orientation stratégique et donc de la définition des politiques générales de la société d’Etat. Même en partant de l’hypothèse d’une indépendance de l’AG dans le contexte burkinabé, tout en actant la lourdeur administrative dans chacun des deux pays, l’on peut être tenté de conclure à un allègement ou une flexibilité de la gouvernance des sociétés d’Etat au Bénin.
Cette simplification est-elle pour autant source de performance ?
La société d’Etat, indépendamment des pays étudiés, les sociétés d’État recourent systématiquement à une forme d’organe de contrôle et de gestion, qu’il s’agisse d’un conseil d’administration (CA) ou d’une assemblée générale (AG), comme c’est le cas au Burkina Faso. Mais d’où vient cette pratique ? Relève-t-elle d’une nécessité managériale ou d’une exigence contextuelle ? Le CA dans les sociétés d’État oscille souvent entre formalisme et mimétisme. Une analyse documentaire permet de rattacher la logique de l’adoption des CA dans la gouvernance des entreprises publiques à l’avènement du New Public Management (NPM), un courant qui promeut l’application, dans le secteur public, des méthodes de gestion issues du secteur privé. Si la problématique de la taille de la société d’Etat n’est pas des moins ambiguës, la structure de sa gouvernance l’est encore davantage que ce soit au Bénin ou au Burkina Faso. Quelle gouvernance de la société d’Etat ? Lacorporate governance ? La gouvernance au sens large (Pesqueux, 2007) ? La présence des comités spécialisés au sein des CA des sociétés privées peine à être implémentée dans la sphère publique. Les agents de l’Etat détachés dans les CA sont sous contrat psychologique d’emploi (Rousseau et al, 2014). Le rattachement des sociétés d’Etat au Ministre de tutelle vient acter l’immixtion de l’Etat dans la gestion (Yasso, 2014).
La gouvernance c’est aussi la référence aux parties qui animent le CA. Qui composent le CA des sociétés d’Etat ? Il faut noter la diversité des sources de recrutements d’une part, la diversité des profils parfois en contradiction avec les exigences d’une « bonne gouvernance ». Le détachement des agents de l’Etat (les fonctionnaires) pour servir dans les sociétés d’Etat est aussi l’une des conséquences de l’immixtion de l’Etat dans la gestion de celles-ci. Outre ces profiles, les sociétés d’Etat sont sous convention collective leur permettant de recruter directement comme toutes entreprises qu’elle soit publique ou privée, des agents en fonction des besoins et des ressources dont elles disposent. Mais ces recrutements ne s’observent pas dans le cadre des Administrateurs.
En matière de gouvernance d’entreprise en général, les systèmes de gouvernement peuvent prendre plusieurs formes en fonction des parties prenantes en jeu. L’absence des entreprises béninoises sur le marché financier, le manque de données publiques crédibles, bref la non disponibilité de l’information sur les entreprises ne favorise pas le positionnement ou même l’appréciation des formes de gouvernements des entreprises en général et des entreprises publiques en particulier. La législation sur les sociétés d’Etat telle que libellée dans les Etats évoqués concentre tous les pouvoirs notamment le recrutement et la révocation, la rémunération des dirigeants relèvent de la compétence du conseil des ministres du gouvernement qui est une institution politique. Un cadre institutionnel plutôt centralisé mettant les entreprises sous l’emprise des processus administratifs en dépit du caractère commercial et industriel qui leur est reconnu, les différenciant ainsi des services publics.
L’analyse de la gouvernance au Bénin permet donc de questionner la redéfinition de la structure des conseils d’administration des entreprises publiques. Un conseil dynamique constitué de comités spécialisés est à même de résoudre de façon adaptée les problèmes managériaux qu’un conseil statique dont la désignation des membres est déjà source de « mal gouvernance ». De même, une redéfinition du mode de désignation et le profil des membres du conseil de façon à éviter la forte rotation de ses membres. Cette instabilité encourage le déploiement de politique d’appropriation puisque chaque administrateur « vient en sachant qu’il est sur le point de partir ». Il est donc important de mener une évaluation du profil du Conseil pour identifier les compétences et les expériences qui manquent actuellement au sein du Conseil même si cela semble complexe comme le souligne Pigé (1993) quand il affirme que l’évaluation de la performance des dirigeants est, par définition, complexe car la performance résulte de la capacité à coordonner une action collective qui s’inscrit dans un univers incertain. L’importance de rechercher activement les personnes qui possèdent des compétences et des expériences qui pourraient enrichir le travail du Conseil se trouve donc justifiée.
Ainsi le recours aux administrateurs indépendants peut pallier à certains dysfonctionnements. On retrouve son intérêt dans les propos de Pigé (op cite) qui définira l’administrateur indépendant comme « un administrateur qui ne représente pas une partie prenante dominante et dont la nomination se justifie par sa compétence et par son indépendance dans les luttes de pouvoir qui peuvent opposer les différentes parties prenantes représentées au conseil d’administration ». Rendre efficace son action au sein du conseil reviendra à résoudre la question de l’incitation sur les contrôles fastidieux et parfois conflictuels.
Un conseil d’administration peut être rendu dynamique par la recherche active de la référence à la dimension genre, les femmes pourraient être recrutées et formées pour siéger au Conseil. Si le Burkina Faso a résolu la question des règles du jeu du fonctionnement du CA, le Bénin devra élaborer un code de gouvernance et d’éthique à l’usage des conseils des sociétés d’Etat. L’implémentation de la « bonne gouvernance » des sociétés d’Etat suppose pour l’Etat actionnaire un réexamen de la description du poste de PCA pour s’assurer qu’il est actualisé et qu’il donne suffisamment de pouvoir au CA pour une gestion et un contrôle efficaces de l’entreprise.
Mais une « bonne gouvernance » implique également un système d’évaluation du CA et une revue ou actualisation des politiques définissant les relations du Conseil avec le PCA et le personnel de l’entreprise et les limites assignées aux pouvoirs exécutifs dans les deux cas en étude.
Parler de la gouvernance dans une démarche comparative donne à priori l’intention d’une analyse d’écart entre les items de comparaison. Ce qui n’a pas été l’objectif de notre travail. L’analyse des situations de deux cas de gouvernance d’entreprise au Bénin et Burkina visait un objectif de mise en tension des logiques de gouvernance d’un pays à l’autre dans le même espace économique.
Ce travail permet de poser la question de la « sur-gouvernance » au niveau du Burkina Faso, venant accentuer la lenteur et la lourdeur administratives reconnues à la sphère publique. L’écart entre la lettre et l’esprit des textes au Bénin ne fait pas de la gouvernance des sociétés d’Etat dans ce pays un modèle. La « bonne gouvernance » de la société d’Etat reste à repenser et il ne serait pas inutile de recourir à une réflexion sur la gouvernance « raisonnable » dans le contexte de la société d’Etat…
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