Une vive contestation secoue le quartier Yattaya Fossidet, dans la commune de Ratoma, suite à la démolition de la maison des jeunes locale le 27 mai dernier. Ce lieu symbolique, considéré comme un repère historique et social pour les habitants, a été rasé dans des circonstances que les riverains jugent opaques et injustifiées.
Ce jeudi 5 juin, les jeunes du quartier ont organisé une manifestation pacifique sur les ruines du bâtiment, dénonçant ce qu’ils qualifient de spoliation orchestrée au mépris des règles de droit. La tension est montée d’un cran après que des travaux de construction ont été immédiatement entamés sur le site, avant d’être interrompus par les riverains en colère.
Au cœur du scandale, une certaine Gnalen Traoré, désignée par les manifestants comme l’instigatrice de la vente du terrain à Me Mory, un notaire domicilié dans le même quartier. D’après les témoignages recueillis sur place, celui-ci aurait entamé les travaux dès le lendemain de la démolition. Mais pour les jeunes du quartier, rien ne prouve la légitimité de la vente.
« Ce terrain appartient à la jeunesse depuis plus de 20 ans. Nous n’avons jamais été informés d’un quelconque jugement », déclare Fodé Ibrahima Touré, secrétaire chargé de la jeunesse de Yattaya Fossidet. Il raconte avoir été alerté dès 5 heures du matin le jour de la démolition. Sur place, il affirme avoir trouvé un pick-up de la gendarmerie et des ouvriers en train de démolir les lieux.
Malgré ses interrogations sur la légalité de l’opération, il dit s’être vu opposer une fin de non-recevoir.
:« J’ai demandé la réquisition aux gendarmes, ils m’ont renvoyé au colonel Talla de l’escadron mobile n°15. Ce dernier m’a confirmé l’existence d’une réquisition, sans toutefois passer par la voie administrative locale. »
Un constat partagé par Mamadouba Piazza Soumah, secrétaire administratif du quartier :
« Nous n’avons reçu aucun avis officiel. Les gendarmes sont venus sans même nous consulter. C’est un manque de respect à l’endroit des autorités locales. »
Un jugement exécutoire aurait été présenté pour justifier l’opération. Pourtant, les leaders communautaires dénoncent des incohérences dans le document, notamment l’absence de toute mention de Yattaya Fossidet. « Le nom de notre quartier n’apparaît même pas dans la décision. On y parle uniquement de Kobaya », explique Fodé Ibrahima Touré, qui remet en question la validité des documents présentés.
Par ailleurs, la communauté accuse certaines autorités locales de collusion avec des acteurs privés. Le représentant des coutumiers du littoral, Naby Soumah, affirme catégoriquement que le terrain n’a jamais été cédé : « C’est un espace que nos aînés ont offert à la jeunesse. Aucun membre légitime de notre communauté n’a vendu ce terrain. »
Il dénonce en outre un système de falsification bien rodé : « Ils utilisent les noms de nos défunts parents pour légitimer des ventes fictives. Même notre cimetière a été menacé par ces pratiques. »
Face à l’impasse, plusieurs tentatives de médiation ont été engagées, notamment par des personnalités locales. L’une d’elles aurait proposé deux parcelles alternatives à Madame Traoré, à travers un émissaire du haut commandement. Mais les négociations n’ont jamais abouti.
Les jeunes, qui assurent vouloir rester dans le cadre légal, interpellent désormais directement les plus hautes autorités: « Nous sommes dans un État de droit. Personne n’est au dessus de la loi. Nous appelons le président Mamadi Doumbouya à nous venir en aide », a lancé l’un des manifestants.
Contacté par notre rédaction, le colonel Talla Manet, commandant de l’escadron mobile n°15 de Kobaya, assure que la démolition a été menée dans le respect de la procédure légale et sur instruction de sa hiérarchie. Nos tentatives pour joindre Gnalen Traoré et Me Mory, les principaux mis en cause dans cette affaire, sont pour l’heure restées sans réponse.
Gnima Aïssata Kébé