C’est une affaire sans précédent qui secoue la Guinée. Plus de 400 candidats au Hajj 2025 ont été victimes d’une vaste escroquerie orchestrée par une femme se faisant passer pour une intime de la mère du président de la Transition, le général Mamadi Doumbouya. Les pèlerins floués affirment avoir déboursé entre 50 et 75 millions de francs guinéens chacun, dans l’espoir d’effectuer leur pèlerinage à La Mecque. Alors que les premiers convois quittent Conakry, ces fidèles, désabusés, se retrouvent sans solution.
Ce mardi 27 mai, les victimes se sont réunies devant la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) pour exprimer leur désarroi et demander justice. Ils dénoncent une fraude méticuleusement organisée, avec la complicité présumée de plusieurs intermédiaires.
Amara Sylla, porte-parole du collectif des victimes, explique.
« Ce sont 416 personnes qui ont été escroquées au nom de la maman du Président. La responsable principale s’appelle Domani Konaté, connue sous le nom de Nani. Elle a prétendu être une amie très proche de la mère du Président et a créé de fausses fiches au nom d’une agence fictive, soi-disant appartenant à cette dernière. Les fonds étaient versés soit directement à son domicile, soit sur son compte bancaire. Certaines agences agréées ont aussi été impliquées. »
Il souligne également l’implication de certains responsables religieux : « La formation des pèlerins s’est déroulée à la mosquée Fosidet, l’une des dix mosquées retenues par la Ligue islamique. Tous les grands guides religieux y participaient, ce qui nous a rassurés. Ils nous répétaient que nous étions bien enregistrés, que nous partirions parmi les premiers convois. On a même été vaccinés sur place, avec des doses qui, selon eux, faisaient partie des 10 000 vaccins reçus par la République de Guinée. »
Il s’interroge sur l’origine des uniformes et des vaccins : « Les uniformes de La Mecque sont censés être uniquement disponibles à la Ligue. Alors, comment cette dame a-t-elle pu se les procurer ? Comment les vaccins ont-ils pu être acheminés jusqu’à cette mosquée ? Il est clair que ce réseau est bien structuré, avec de nombreuses complicités. »
Selon les témoignages recueillis, chaque candidat au pèlerinage aurait payé en moyenne 60 millions de francs guinéens : « Certains ont déboursé jusqu’à 75 millions, d’autres 50, mais la moyenne reste à 60 millions », précise Amara Sylla.
Face à l’ampleur de l’escroquerie, les victimes ont entrepris des démarches judiciaires. « Une plainte a été déposée à la DCPJ contre Hadja Domani Konaté, au nom des 416 pèlerins arnaqués », indique M. Sylla.
Il poursuit : « Elle est toujours en fuite, mais plusieurs de ses complices ont été arrêtés. Une agence, par exemple, avait fait inscrire 58 personnes. Quand son directeur a compris la supercherie, il s’est immédiatement présenté à la police. Son compte a été saisi sur ordre du procureur. Nous avons même des vidéos prouvant les vaccinations organisées derrière la mosquée. »
Les victimes, désespérées, lancent un appel direct au chef de l’État : « En tant que père de la nation, c’est à lui de défendre ses citoyens. Nous n’avons pas payé ces sommes pour rester en Guinée. Cet argent, c’est un sacrifice offert à Dieu. Nous demandons à ce qu’on nous aide à accomplir ce devoir religieux. »
L’inquiétude grandit à mesure que le départ des convois se poursuit sans eux : « Pour l’instant, aucun responsable religieux ne nous a reçus. Hier seulement, l’affaire a été évoquée à la télévision nationale. Nos passeports sont encore à la DCPJ, donc nous espérons encore. Si nous partons cette année, ce sera uniquement par la volonté de Dieu. Mais pour l’instant, rien n’est sûr », conclut Amara Sylla, la voix tremblante d’incertitude.
Gnima Aïssata Kébé