La scène culturelle guinéenne est en deuil. Moussa Koffoé Keita, figure emblématique du théâtre populaire et comédien adulé, s’est éteint le lundi 12 mai 2025 à Kindia, sa ville natale. Il avait 67 ans. Avec lui disparaît une voix unique, un rire fédérateur, un regard acéré sur la société guinéenne.
Du fil à l’aiguille à la scène
Né à Kindia dans les années 1950, Moussa Koffoé débuta comme tailleur. Mais très vite, le goût de la scène et la force de la parole le détournent de l’atelier pour l’amener vers le théâtre. Il y développe un style singulier, mêlant satire sociale et humour accessible, en langues populaires (Manikakan, sossoe, pulhar). À travers ses rôles, il dénonçait avec finesse les maux de son époque : corruption, violences domestiques, injustice, mariages forcés,etc…
Son art, profondément enraciné dans la tradition orale africaine, devient un théâtre du peuple, pour le peuple : une scène où le rire côtoie la vérité, où le divertissement sert de révélateur.
Le duo Koffoé-Kountoko : des années de gloire
C’est avec le défunt Mamadi Kouyaté, dit Kountoko, que Moussa Koffoé forme un duo mythique qui marquera toute une génération. Leurs pièces: Sala Mousso, Wassa Wassa, Di Bari Khônô deviennent cultes dans les années 2000. Le public se reconnaît dans ces histoires, dans cette manière de dire l’indicible avec le sourire. Leur jeu complice, leur maîtrise du langage corporel et leur finesse dans la satire sociale font d’eux des légendes du théâtre guinéen.
Une figure populaire et respectée
Au-delà de la scène, Moussa Koffoé était un homme proche de son peuple. À Kindia, on le croisait au marché, à la mosquée, humble et toujours prêt à échanger quelques mots. Il n’a jamais pris la grosse tête, malgré la célébrité. Pour les siens, il est resté « Koffoé » : celui qui sait parler vrai, celui qui sait faire rire sans blesser.
Ses personnages incarnaient les réalités du quotidien guinéen, et derrière chaque éclat de rire se profilait une réflexion, un appel à la justice, un regard de fraternité.
Une reconnaissance au-delà des frontières
L’influence de Moussa Koffoé dépasse rapidement les limites de la Guinée. En 2016, il est sacré meilleur comédien ouest-africain au Festival Yerebougou. Il s’impose aussi au cinéma dans des films marquants comme Mort Vivant ou Le Mendiant, où il démontre la même justesse de jeu que sur les planches.
Un dernier acte empreint de dignité
Le lundi 12 mai 2025, sentant la fin proche, il confie à son épouse : « Aujourd’hui est la fin. » Transporté à l’hôpital de Damakania, il s’éteint paisiblement, entouré des siens.Ce mardi,13 mai 2025,le peuple de Guinée, lui rend un hommage vibrant à la Place des Martyrs. Autorités, artistes, citoyens : tous sont venus saluer une dernière fois celui qui avait su leur redonner le sourire même dans les heures sombres.
Moussa Koffoé, tu n’es pas parti. Tu es devenu éternel.
Lancinè Marcus DIOUBATE