Le pape François est mort ce matin(lundi,21 Avril 2025), à l’aube d’un printemps romain teinté de deuil. Avec lui s’éteint un pontificat de plus de dix ans, marqué par l’audace pastorale, les réformes administratives, une ouverture vers les périphéries, mais aussi de profondes divisions internes. À peine la nouvelle annoncée, les cloches de Saint-Pierre ont sonné lentement, et déjà la question se pose : quel cardinal pour conduire l’Église dans ces temps de confusion spirituelle, de tension morale, de fracture culturelle ?
Dans les couloirs feutrés du Vatican,et à la une plusieurs médias,un nom ancien réapparaît, avec une intensité renouvelée : Robert Sarah. Cardinal guinéen, figure forte de la tradition catholique, il incarne une voix qui ne cède ni aux modes ni aux compromis. Dans le tumulte qui s’annonce, il représente pour certains un recours, pour d’autres une boussole.
Un destin forgé dans l’humilité et la foi
Né en 1945 à Ourous,au nord de la Guinée, Robert Sarah connaît dès l’enfance les rigueurs d’un monde sans artifice, marqué par la pauvreté, le travail et la prière. Très jeune, il est remarqué pour son intelligence et sa ferveur. Formé dans des séminaires en Guinée, au Sénégal, puis à Rome et en Allemagne, il est ordonné prêtre en 1969. À seulement 34 ans, Jean-Paul II le nomme archevêque de Conakry, faisant de lui l’un des plus jeunes évêques du monde à l’époque.
Durant près de deux décennies, il cohabite sagement avec le régime de Sékou Touré. Son autorité morale s’ancre dans cette résistance : discrète mais intransigeante. En 2001, il est appelé à Rome comme secrétaire de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples, avant d’être créé cardinal par Benoît XVI en 2010, puis nommé à la tête de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements en 2014 par le pape François.
Le gardien de la tradition
À Rome, le cardinal Sarah s’impose rapidement comme une voix forte de la tradition. Son orientation théologique est claire : refus du relativisme moral, critique de l’individualisme occidental, défense de la messe célébrée ad orientem, attachement au silence comme lieu de rencontre avec Dieu. Son œuvre littéraire, notamment Dieu ou rien (2015), La force du silence (2016) et Le soir approche et déjà le jour baisse (2019), a connu un succès mondial, traduite en de nombreuses langues, saluée tant par les fidèles que par les intellectuels.
Ce succès ne repose pas sur des formules-choc, mais sur une rigueur spirituelle rare. Là où d’autres cèdent à la tentation du consensus, Sarah parle de “vérité”, même si elle dérange. Il ne cache pas son inquiétude face à ce qu’il nomme une “apostasie silencieuse”, en Occident comme parfois au sein même de l’Église. Pour autant, il ne s’agit pas d’un prélat nostalgique : sa fidélité à la tradition n’est pas un refus du monde, mais un désir de le sauver sans se trahir.
Une figure papabile ?
Depuis quelques années, le nom de Robert Sarah circule parmi les papabili, ces cardinaux que l’on estime capables de succéder au pape régnant. Âgé de 79 ans, il est encore en mesure de participer au conclave qui sera convoqué dans les prochaines heures. Il incarne pour beaucoup un profil de rassembleur spirituel et d’autorité morale. Son élection serait hautement symbolique : un pape africain, conservateur mais pas réactionnaire, profondément enraciné dans l’universel.
Fort de son expérience, tolérant,véridique, Robert Sarah apparaît pour certains comme l’homme qu’il faut pour l’Église en ces temps troublés. Certes, ses positions tranchées peuvent heurter certains milieux progressistes. Mais sa profondeur spirituelle, sa stature intellectuelle, et son parcours exceptionnel dans les périphéries de l’Église lui confèrent une légitimité rare. Dans un contexte de fragmentation croissante, il pourrait être celui qui rappelle à l’Église sa mission première : être lumière dans l’obscurité, non un miroir du monde.
Un homme pour les temps de crise
Robert Sarah ne cherche pas le pouvoir. Il ne cultive pas l’image. Mais c’est peut-être précisément cette absence d’ambition mondaine qui fait de lui une figure crédible et inspirante. Son silence, sa parole mûrie dans la prière, son ancrage dans l’espérance chrétienne tout cela parle à une Église en quête de repères et d’âme.
Alors que l’ombre de la succession de François plane doucement sur le Vatican, le cardinal Sarah rappelle que, parfois, les voix les plus puissantes sont celles qui parlent à genoux.
Lancinè Marcus DIOUBATE