De retour en Guinée après une tentative avortée de rejoindre l’Europe par des voies non réglementaires, Mohamed Sylla a partagé son expérience lors d’une conférence de presse à Conakry. Parti de son village natal de Léro en 2023, il espérait suivre les traces d’un ami d’enfance désormais installé en France. Ce récit poignant met en lumière les dangers de l’immigration irrégulière.
Dès l’ouverture de la rencontre avec les journalistes, le jeune homme est revenu sur les raisons qui l’ont poussé à quitter son pays et les péripéties qui ont jalonné son parcours jusqu’en Afrique du Nord : « J’étais au village, à Léro, et là-bas je suis né, grandi. À la base, je rêvais être footballeur, et j’avais en tête que tôt ou tard, je vais partir en Europe. Donc, j’étais avec un ami, on a grandi ensemble, maintenant il est en France. Quand on était au village tout le temps, on parlait l’affaire de l’Europe. Un jour, il m’a dit : tu veux partir en Europe maintenant ? J’ai dit qu’il n’y a pas de problème, on va se préparer pour ça. […] »
Séduit par le récit enjolivé de son ami, Mohamed Sylla décide à son tour d’entamer le voyage malgré les obstacles financiers. Il réussit à réunir une partie de la somme nécessaire, cède une moto familiale à Kankan et rejoint le Mali, première étape de son périple.
« Une fois au Mali, j’appelle le numéro du monsieur, il vient me chercher à la gare et m’envoie directement au marché. C’est un commerçant, mais il a aussi un réseau qui envoie des engins vers le Maghreb. Je paie d’abord 3 millions de francs guinéens avant que je ne bouge. […] »
Le voyage devient rapidement un calvaire. Des kilomètres parcourus à pied, des conditions de vie précaires, les tensions entre migrants… Sylla découvre une réalité bien différente de celle que lui avait décrite son ami.
« On a commencé à marcher les 15 kilomètres pour rentrer à Samata. […] Ils nous ont comptés, les Guinéens étaient les plus nombreux. […] Je me réveille la nuit, il y avait une bagarre entre Maliens et Guinéens pour des futilités. J’ai dit, moi, je ne peux pas rester ici comme ça… »
Découragé à un moment, il pense rentrer au pays. Mais, poussé par d’autres candidats à l’exil, il tente de poursuivre vers l’Algérie, puis la Tunisie. C’est à ce stade que son voyage prend fin, intercepté par les autorités tunisiennes.
« On marche cinq jours jusqu’à ce qu’on soit proche de Tunis. […] On trouve un tunnel, on rentre en bas du tunnel pour se reposer. Tout le monde s’endort. En plein 14 heures, il y a la garde nationale de la Tunisie qui vient nous trouver. […] Ils ont bloqué le tunnel avant de faire sortir des armes. […] On met des menottes sur moi pour me mettre dans la voiture… »
Le témoignage de Mohamed Sylla, lucide et détaillé, rappelle les risques énormes liés à l’immigration irrégulière. Son retour en Guinée et son récit public traduisent une volonté de sensibiliser les jeunes tentés par cette voie périlleuse.
Gnima Aïssata Kébé