Nous étions des simples curieux à l’aéroport de Kankan quand son avion de campagne atterrit. Un nuage de poussière obligea l’équipage à observer un moment avant d’ouvrir cet avion au couleur orange de son parti. De tout blanc vêtu, il salua à sa descente ses partisans mobilisés pour l’exhorter jusqu’en ville où devait tenir un meeting. Pendant cette période, il n’avait pas un candidat à notre connaissance qui était plus sage que lui. Toujours pondéré lors de son temps de passage dans le journal de campagne, il focalisait son intervention sur ce qu’il comptait faire pour le pays. Cependant, il n’a hésité de s’en prendre à la direction générale de la RTG pour avoir montré une image « truquée » de Conté accueilli triomphalement par la population de Labé. Cela avait d’ailleurs contraint la RTG à diffuser les images de Lansana en campagne en faveur du « Oui » pour le referendum de 1990 sur la Loi Fondamentale ; ensuite les images du candidat du PUP pour la compétition en cours.
Au terme de cette compétition, le journaliste Siradiou Diallo, à la tête du Parti du Renouveau et du Progrès (PRP) n’a obtenu que 11,86% des suffrages. Il se positionna comme la quatrième force politique du pays.
Pour empêcher le funeste dessein de Conté d’être président à vie, Siradiou Diallo entama à Labé, la campagne des partis de l’opposition regroupés au sein du FRAD (Front républicain pour l’alternance démocratique) contre la proposition de Référendum du 11 Novembre 2001.
Sur Guinéenews, on pouvait lire que : « Ce sont des milliers de personnes qui ont répondu aujourd’hui à Labé à l’appel des partis d’opposition contre la proposition de remaniement constitutionnel des partisans du président Conté pour lui permettre de devenir techniquement président à vie. La Constitution actuelle prévoit la fin du mandat de Lansana Conté pour décembre 2003 ».
En tournée à l’intérieur du pays pour mobiliser la population contre ce qu’il appelle un « un coup mortel porté contre notre république et contre notre démocratie », le président du parti d’opposition Union pour le Progrès et le Renouveau UPR, Siradiou Diallo déclara à ses militants que le projet de modification constitutionnel par voie de référendum voulu et imposer à Conté par ses sbires « ne passera pas ». En revanche à Kankan où nous étions fortement mobilisés pour recevoir la délégation de l’opposition ; le cortège des leadeurs, en provenance de Kouroussa, fut bloqué à la rentrée de la ville. Cette ésophorie fut suivi d’une répression extrêmement violente de la part des autorités militaires de Kankan contre ceux qui avaient bravés les forces de l’ordre pour frayer un passage pour les opposants.
Quelques années plus tard, nous avons compris qu’il était un pacifiste et un centriste convaincu.
A la surprise général du peuple de Guinée, il fut rappelé à Dieu, à l’âge de 68 ans, le 14 mars 2004 par suite d’une insuffisance rénale à Paris. Quelques jours plus tôt, le 28 février à Paris, Siradiou avait rencontré d’autres chefs de file de l’opposition, pour faire ce qu’il n’a jamais cessé de faire : parler de la Guinée. Calmement, comme à son habitude, selon Jean Marie DORE, le Président de l’Union pour le Progrès de la Guinée (UPG) sur les ondes de la RFI. D’une voix étreinte par l’émotion, il dit que :« Ce jour-là, il n’était pas au mieux de sa forme, mais de là à penser qu’il allait disparaître… C’était simplement inconcevable. » Les hommages qui se succédèrent, n’étaient pas de simples propos de circonstance. Tout le monde salua l’homme de cœur qui s’était toujours efforcé d’écouter les autres. Le modéré qui se refusait à diaboliser l’adversaire dans la vie comme dans le combat politique. Convaincu que tout ce qui était excessif était inutile et vain. C’est dans cet élan que Kiridi Bangoura, lors du symposium au Palais du Peuple, confia à la presse que : « Siradiou n’aimait pas les outrances. Il en était économe au point de passer, dans certains cercles de l’opposition, pour un conservateur ». Cet extrait d’Elimane FALL résumait le sens du retenu de l’homme en ces termes : « Et la Guinée, qui a accueilli sa dépouille le 21 mars avant de lui rendre hommage, cinq jours plus tard, à l’Assemblée nationale, perd l’une de ses grandes figures publiques. Sans doute la moins portée à l’épreuve de force, mais non la moins déterminée dans l’engagement politique. », Jeuneafrique, 22 mars 2004.
le résultat de notre volonté de savoir sur le parcours de cet homme qui a joué un rôle majeur dans la construction de notre démocratie, révèle un modèle à citer devant la jeunesse active de ce pays. Journaliste pendant près d’un quart de siècle à Jeune Afrique, il avait simplement fréquenté dans l’intimité tant de chefs d’État, ministres, dépositaires du pouvoir ou opposants qu’il avait fini, sans déchoir, par devenir l’un des leurs.
Houphouët, Senghor, Ahidjo, Mobutu, Moussa Traoré, Kountché, Bongo, Eyadéma, Kérékou, Diouf, Sassou Nguesso, Wade, Obasanjo… Siradiou les a tous connus, rencontrés, parfois interviewés. Il manifestait même quelque sympathie pour certains d’entre eux.
En juillet 1991, il avait pris sa retraite journalistique pour devenir un homme politique à plein temps et soumettre ses idées à l’épreuve des faits. Au lieu de créer son propre parti, il choisit d’adhérer à une formation, dont il lui fallut conquérir la base et les cadres avant d’accéder au poste de secrétaire général, le 29 décembre 1991. Chef incontesté du Parti du Renouveau et du progrès (PRP, désormais rebaptisé UPR : Union pour le Progrès et le Renouveau), l’un des trois principaux mouvements de l’opposition avec ceux d’Alpha Condé (RPG) et de Mamadou Ba (UNR), Siradiou ne tint pas : « le discours le plus facile. Opposant, certes, mais réaliste et pondéré, il prônait le dialogue et la voie légaliste, celle des urnes et de la renaissance à la démocratie, au risque de décevoir certaines impatiences y compris dans son propre camp » selon El hadj BAH Ousmane.
A mainte reprises, à l’occasion de nos missions, nous sommes passés nous recueillir sur sa tombe à Labé ; au cimetière où repose presque toute sa lignée. Celle qu’il a rejoint en ce lieu depuis le 26 Mars 2004.
Sékou Sacko