Le séjour du général Mamadi Doumbouya à Kankan Nabaya pour la fête de Tabaski et les festivités de la grande Mamaya en 2024 a mis en lumière des dynamiques complexes et souvent contradictoires qui façonnent l’opinion publique dans cette ville. Bien que des progrès significatifs aient été réalisés en matière de développement urbain et d’infrastructures, le fossé entre le gouvernement de transition et certains segments de la population reste palpable. Cela soulève des questions cruciales sur la gouvernance, l’engagement communautaire et la gestion des perceptions.
Les Progrès Indéniables
Il est indéniable que sous la direction de Mamadi Doumbouya, Kankan a vu des améliorations notables : bitumage des voiries urbaines, nouvelles infrastructures, meilleure desserte en électricité, et la nomination de nombreux cadres locaux dans les hautes sphères de l’administration. Ces avancées ont apporté un souffle nouveau à la ville, améliorant les conditions de vie des citoyens et ouvrant des perspectives de développement économique et social.
Alpha Condé : Une Omniprésence Persistante
Cependant, l’ombre de l’ancien président Alpha Condé plane toujours sur Kankan. Sa popularité reste forte, et nombreux sont ceux qui voient en son renversement un acte de trahison. Pour ces partisans, le général Doumbouya incarne un pouvoir illégitime, ce qui complique sa tâche de rassembler et de mobiliser la population autour de ses projets. Cette résistance passive ou active des anciens partisans de Condé constitue un frein majeur aux efforts de consolidation de la légitimité du nouveau régime.
Les Cadres Locaux : Entre Arrogance et Engagement
Le comportement des cadres locaux nommés par le général Doumbouya suscite également des critiques. Beaucoup leur reprochent une arrogance et une suffisance qui les éloignent des préoccupations quotidiennes des citoyens. Leur tendance à former des cercles fermés et à ne pas se rendre disponibles pour la population amplifie le sentiment d’abandon et de méfiance. Pourtant, quelques-uns se démarquent par leur altruisme et leur engagement, démontrant que l’approche communautaire et inclusive est possible et bénéfique.
L’Importance des Gestes Symboliques
L’épisode du patriarche de Kankan, le Sotikémo, non salué par le général Doumbouya durant son séjour pour la Tabaski, a marqué les esprits. Dans la culture mandingue, ce manquement est perçu comme un profond manque de respect et de reconnaissance des traditions. De tels gestes symboliques sont essentiels pour maintenir et renforcer le lien entre le pouvoir et les communautés locales. Ignorer ces traditions peut avoir des répercussions durables sur la perception et l’acceptation du pouvoir.
La Gestion de la Mamaya : Une Occasion Ratée
Les festivités de la grande Mamaya, événement phare à Kankan, ont été marquées par des incidents regrettables. Le dispositif de sécurité autour du stade Mbalou Madi Diakité, mis en place pour assurer la présence du président, a restreint l’accès et provoqué des bousculades. Cette situation a exacerbé la frustration et la méfiance envers le régime, transformant une opportunité de rapprochement en un moment de division.
Un Appel au Changement de Paradigme
Le général Mamadi Doumbouya a encore beaucoup à faire pour transformer cette dynamique et gagner les cœurs à Kankan. Un changement de paradigme s’impose, passant par une plus grande écoute des besoins locaux, un engagement sincère des cadres nommés et une meilleure intégration des coutumes et traditions dans la gouvernance. Seuls des efforts concertés et une approche véritablement inclusive permettront de surmonter les défis actuels et de construire un avenir partagé.
Ce constat est bien sûr personnel. D’autres perspectives sont nécessaires pour enrichir le débat et permettre aux citoyens de se forger une opinion éclairée. Le chemin est encore long, mais avec un engagement renouvelé et des actions concrètes, Kankan peut devenir un modèle de réussite sous la transition.
Cet éditorial a pour ambition de refléter les complexités de la situation actuelle à Kankan tout en invitant à la réflexion et à la discussion sur les moyens d’améliorer la gouvernance et la cohésion sociale dans cette période de transition.
Abdourahamane NABE
cadre commercial.
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