La justice est souvent sur la sellette ; elle est clouée au pilori et caricaturée ; elle est accusée des sept péchés capitaux. Si certaines critiques adressées à cette institution sont exagérées et infondées, on doit à la vérité d’admettre qu’un bon nombre d’entre elles sont indiscutables.
Tout le monde est censé se rappeler encore le mea culpa de magistrats au lendemain de la prise du pouvoir par les militaires le 5 septembre 2021.
Le Garde des Sceaux apporte de l’eau au moulin de ceux qui ont souvent tiré à boulets rouges sur la justice. Il a affirmé que » cette justice là, n’est pas la justice d’ Alpha Condé, c’est clair ». C’est une manière de dire de façon à peine voilée que la justice sous le régime du Président Alpha Condé n’était pas celle à laquelle le justiciable était en droit de s’attendre. En réalité, le ministre de la Justice n’a rien dit de nouveau en ce qui concerne la qualité très peu satisfaisante de la justice au temps du « Professeur-Président » et même du « Général- Président » qui avait dit que la justice, c’est lui. Inutile d’évoquer l’époque « sékoutouréenne » où les choix étaient très clairs et ne laissaient aucune ambiguïté dans l’esprit des citoyens quant aux règles qui gouvernaient le fonctionnement de la justice.
Ce que le ministre ministre de la Justice n’a pas dit ou indiqué, ce sont les différences entre la justice au temps du Président Alpha Condé et celle que l’on connaît depuis le 5 septembre 2021. On parle d’une « justice de la refondation ». Mais au-delà des mots, il serait d’une grande utilité pour le citoyen de faire un parallèle entre ce qu’était la justice hier et ce qu’elle est aujourd’hui. Les mauvaises pratiques auxquelles le Garde des Sceaux fait allusion sans le dire expressément ont-elles disparu ? C’est à partir d’un certain nombre de comparaisons que l’on peut toucher du doigt la réalité en mettant en relief ce qui a véritablement changé et ce qui demeure intact. Comme le dit un adage très populaire, c’est la comparaison qui dégrade l’âne.
Une chose reste claire : beaucoup de magistrats sont très attachés à leurs fonctions et ont une peur quasi morbide de les perdre. Cette peur a malheureusement pour conséquence directe de les empêcher de prendre leurs responsabilités et d’accomplir la mission qui est la leur dans le strict respect de la loi. C’est cette même peur de perdre sa fonction et les avantages y afférents qui tue l’esprit de solidarité au sein de la magistrature. Un magistrat qui a des ennuis, même à tort, est seul face à son triste sort. Il est même parfois tenu par ses collègues pour seul responsable de « son malheur » même quand il est victime d’une injustice flagrante. Cette situation contraint parfois ceux parmi eux qui veulent donner du sens à leur serment d’abandonner et d’entrer dans les rangs « en faisant comme tout le monde « . Dans un pays où tout le monde est aveugle, il faut fermer les yeux pour ne pas être remarqué, entend-on dire.
Cet état de fait a-t-il changé depuis le 5 septembre 2021 ? Rien n’est moins sûr.
Mais il faut reconnaître que souvent ce sont des magistrats qui se font eux-mêmes peur en ayant à l’esprit qu’en rendant des décisions conformes à la loi et à leur conscience dans certains dossiers, ils pourraient provoquer le mécontentement des « autorités ». Il est arrivé pourtant que dans des dossiers faussement qualifîés de sensibles, des magistrats courageux prononcent des décisions qui ne leur ont valu aucune mesure de représailles de la part de ces autorités que certains parmi leurs collègues craignent tant. Et d’ailleurs, même lorsque des magistrats ont subi le courroux de ces autorités, pour avoir rendu des décisions qui ne plaisent pas, ils (ces magistrats) se sont retrouvés par la suite à des fonctions très prestigieuses après certains changements tels que le limogeage d’un ministre de la Justice ou un changement de régime. C’est dire que le magistrat n’a pas tout à fait raison de craindre la perte d’un poste et se compromettre à travers des décisions contraires à la la loi et à sa conscience, dans l’unique but de plaire au chef. Les régimes, les ministres passent mais la magistrature demeure. On peut être un simple juge aujourd’hui dans la contrée la plus éloignée du pays et être demain à la tête de la plus haute juridiction du pays. C’est pourquoi, une dose de foi en Dieu est parfois, pour ne pas dire toujours, nécessaire dans certaines circonstances. En tout état de cause, mieux vaut perdre son poste ou une fonction pour avoir rendu une décision conforme à la loi et à sa conscience que de violer son serment à travers des décisions injustes afin d’être dans les bonnes grâce des autorités ou de bénéficier d’avantages indus.