Le 05 septembre 2021, l’avènement du CNRD a suscité beaucoup d’espoir au sein de la population guinéenne. Un espoir qui a vite viré au cauchemar. Les premières déclarations et décisions du Colonel Mamadi Doumbouya sont allées dans le bon sens de l’instauration de la bonne gouvernance, de la justice et de la paix civile. Pour autant, il est indispensable que la transition puisse répondre aux aspirations légitimes du peuple guinéen, en intégrant des réformes courageuses en termes d’efficacité et de moralisation de la vie publique.
Pourquoi la déclaration des biens ne figure-t-elle pas dans la Charte de la Transition, élaborée par le CNRD ? Est-ce une omission ? Est-ce par ignorance de la portée d’un tel acte ? Est-ce un acte prémédité pour se couvrir des risques de possibles enrichissements illicites ?
Les démocrates sont appelés à se poser des questions légitimes. Cet état de fait taraude l’esprit de moult observateurs sur la volonté réelle des nouvelles autorités de la transition à lutter contre la corruption sous toutes ses formes, et à moraliser la vie publique.
La déclaration des biens par les membres du gouvernement devrait être primordiale pour le CNRD. Du moins s’il compte sincèrement mener sa lutte contre la corruption, la gabegie financière et que sais-je encore. Faire de cela une réalité passe forcément par l’obligation pour les membres du gouvernement de déclarer leurs biens.
Outre le fait que cela soit une coutume républicaine pour tous les dirigeants du monde, la déclaration des biens doit être obligatoire pour le CNRD, pour la simple et unique raison que le président Mamadi Doumbouya, dans son discours de prise de pouvoir, s’est farouchement attaqué à la corruption. La création de la CRIEF est certes une des volontés traduites par le CNRD à lutter contre la corruption, mais il est obligatoire qu’il demande aux membres de son gouvernement de déclarer leurs biens et leurs patrimoines personnels.
Le peuple de Guinée doit savoir ce que possédaient les membres du CNRD et du gouvernement, lorsqu’ils sont entrés en fonction. Cette opération permet au peuple d’avoir une vision claire de leurs biens et d’évaluer l’évolution de leurs patrimoines au terme de leurs fonctions.
Pour une question d’éthique, de morale mais aussi de cohérence dans les actions de lutte contre la corruption et de moralisation de la vie publique, chaque responsable devrait s’en acquitter, pour se couvrir de tout soupçon d’enrichissement, car la CRIEF est une juridiction spéciale mais permanente.
Transparency International, organisme d’étude de la corruption à l’échelle mondiale, a dévoilé, le 25 janvier 2022, son classement 2021 de la perception de l’état de la corruption dans 180 pays dans le monde. Tenez-vous bien, la Guinée est toujours parmi les mauvais élèves et reste classée parmi les pays les plus corrompus en Afrique de l’Ouest.
Le nouveau rapport de l’organisme mondial de lutte contre la corruption, basé en Allemagne, mentionne que la Guinée a perdu trois points par rapport à 2020. Elle se trouve à la 150ème place sur un classement de 180 pays.
La corruption ronge notre pays, elle entrave l’action de l’État, grève ses budgets. Elle est à la source de la profonde crise de légitimité dont souffrent toutes nos institutions publiques et notre personnel politique. La lutte contre la corruption est un combat prioritaire pour que la Guinée retrouve le chemin de l’unité, que l’État reprenne un fonctionnement normal, et que les Guinéens retrouvent confiance dans leurs institutions et leurs représentants.
La création et l’opérationnalisation de la Cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF), est une grande avancée en la matière. Mais, il faut aller plus loin encore. Afin de prévenir tout soupçon d’enrichissement illicite de la part des dirigeants en fonction, la création d’une autorité de contrôle des patrimoines des personnels politiques et administratifs s’avère incontournable. Celle-ci aurait pour vocation, comme c’est le cas dans de nombreux pays, d’évaluer les variations de patrimoine des dirigeants durant leurs fonctions, afin d’estimer s’il y a pu y avoir corruption et/ou enrichissement illicite. Sa mission serait de : (i) collecter les déclarations de patrimoine des dirigeants qui entrent et sortent de fonction, et les rendre publiques ; (ii) contrôler la véracité de ces déclarations, en collaboration avec l’administration fiscale ; (iii) transmettre les cas douteux à la CRIEF pour enquête.
Les dirigeants concernés par ces déclarations seraient : (i) le président de la transition ; (ii) les membres du gouvernement ; (iii) les membres du CNT ; (iv) les membres du CNRD ; (v) les plus hauts responsables de toutes les administrations et entreprises publiques, jusqu’au niveau des directeurs nationaux. Cette étape s’avère indispensable pour prendre les actions des nouvelles autorités au sérieux dans l’ambition d’une gouvernance patriotique et vertueuse en Guinée.
En effet, ils peuvent être confrontés à la justification de leurs patrimoines individuels à la fin de la transition, car les crimes économiques sont imprescriptibles.
Il est donc impératif pour le CNRD de procéder à la déclaration des biens des membres du gouvernement car on ne peut pas nettoyer le péril fécal avec de l’urine et s’attendre à de la propreté.
SEKOU KOUNDOUNO RESPONSABLE DES STRATÉGIES ET PLANIFICATION DU FNDC
MEMBRE DU RÉSEAU AFRIKKI NETWORK