Le choix de la date est à lui seul un symbole. Le 28 septembre 2022, 13 ans après (jour pour jour) la tragédie survenue au stade éponyme de Conakry en 2009, les Guinéens voient enfin ouvert le procès tant attendu.
La répression d’une manifestation pacifique de partis politiques et d’organisations de la société civile, avait laissé ce jour-là sur les travées du stade et alentours au moins 150 morts et entraîné le viol d’une centaine de femmes. Sans oublier d’innombrables cas de blessures par balles et/ou armes blanches.
Quel était le motif de la manifestation ? Dénoncer de supposées velléités de la junte d’alors de « s’éterniser » au pouvoir, et réclamer du coup l’organisation dans un délai raisonnable des élections devant mettre un terme à la transition.
Depuis, le désespoir commençait à gagner les rangs de ceux qui n’ont cessé de crier justice. Pour certaines organisations de défense des droits de l’homme, un sentiment d’ailleurs partagé chez les rescapés, parents et proches des victimes, la tenue d’un procès semblait de plus en plus improbable. Hormis les facteurs liés à la sécurité, au financement, l’obstacle le plus évident aux yeux de la plupart des observateurs, était le manque de volonté politique.
Il est vrai qu’à cause des incidences qu’aurait pu avoir le déroulement d’un tel procès sur la sérénité d’un pouvoir chez qui le clientélisme politique était érigé en stratégie, ce dernier n’a pas fait dans la diligence. Certaines personnalités impliquées ayant à l’époque une grande influence au sein des forces de défense et de sécurité ou dans leurs communautés respectives.
D’où le grand ouf de soulagement après l’annonce de l’organisation dudit procès à la date symbolique du 28 septembre.
Et le fait que ce qui apparaît aujourd’hui comme une prouesse soit la matérialisation de la volonté du président de la transition, le colonel Mamadi Doumbouya, est également riche d’enseignements. Cela donne raison à ceux qui, comme lui, estiment qu’une transition ne devrait pas se résumer à la seule organisation d’élections pour un retour à un ordre constitutionnel. Mais également elle doit être une opportunité d’engager des réformes, de mener des actions courageuses, parfois sensibles et souvent impopulaires, qu’un pouvoir élu aurait du mal à assumer pour des raisons de politique politicienne, partisanes ou par clientélisme.
Et que dire de tous ces défis qui apparaissent en filigrane derrière cette symbolique ?
Le choix du 28 septembre, date de l’historique NON lors du référendum gaulliste de 1958, va en droite ligne de la volonté du CNRD (Comité national du rassemblement pour le développement) de rassembler les Guinéens, comme en 1958 face au colonisateur.
Ce choix, c’est aussi pour nettoyer les maculations des abominations commises ce 28 septembre en 2009 sur une date qui fait la fierté nationale. Ce qui passe par un procès équitable, transparent, où le débat contradictoire et les droits de La défense seront respectés. Mieux, qui va servir de catharsis pour que des tragédies du genre soient évitées à l’avenir, et sonner le glas de l’impunité dans ce pays qui n’en a que trop souffert.
François MARA