Quelque soit le régime (Empire, Royauté ou République), quelque soit l’époque, quelque soit le lieu, c’est toujours la gouvernance qui a baptisé le citoyen.
Un pays s’appelait Haute Volta. Ses citoyens se nommaient des Voltaïques. Une gouvernance décida, à une certaine époque de l’Histoire, que le territoire s’appellera désormais le Burkina Faso. Et les citoyens devinrent automatiquement des Burkinabés.
Un pays s’appelait Dahomey. Ses citoyens se nommaient des Dahoméens. A une certaine époque, la gouvernance décréta que le territoire s’appellera désormais le Bénin. Automatiquement, les citoyens se nommèrent Béninois.
Un pays s’appelait la Rhodésie du Sud. La gouvernance a décidé, un jour, que le territoire s’appellera désormais le Zimbabwe. Et du coup, les citoyens se nommèrent Zimbabwéens.
Un territoire s’appelait la Rhodésie du Nord. Une gouvernance décida qu’il s’appelera désormais la Zambie. Les habitants se nommèrent directement des Zambiens.
Un pays s’appelait Gold Coast. La gouvernance décida, à une certaine époque, que le territoire s’appellera désormais le Ghana. Et, d’un coup, les citoyens se nommèrent Ghanéens.
On a vu, ici sur notre continent, des citoyens passer de congolais à zaïrois, et puis redevenir congolais démocratiques, tout dernièrement, au gré des valses hasardeuses de la gouvernance de leur pays.
Bref… Pour ne pas vous ennuyer dans les énumérations, retenons tout simplement que de tels exemples foisonnent partout et à toutes les époques sur cette planète de Dieu.
Ici, chez nous, ce territoire que nous occupons aujourd’hui s’appelait « Empire du Manding ». Puis « Les Rivières du Sud ». Ensuite la « Guinée française ».
Et donc, les citoyens de ce territoire, à cette dernière époque, n’étaient rien d’autres que des « sujets » français. Ils répondaient arbitrairement d’une gouvernance dénommée AOF (Afrique Occidentale Française) dont la capitale de proximité était au Sénégal, et la capitale d’administration suprême à Paris, en France.
Ce ne sera que par le choix unanime exprimé par les citoyens de ce territoire, à travers le vote historique du « Non » à la proposition de « Communauté française », le 28 septembre 1958, qu’une nouvelle gouvernance autonome et souveraine sera installée ici. C’est cette équipe qui décida que le territoire s’appellera désormais la « République de Guinée », officiellement déclarée à la face du monde, le jeudi, 2 octobre 1958. Et aujourd’hui, nous sommes tellement fiers de nous nommer « guinéens » !
Ceci étant, il serait judicieux de souligner que les grands acteurs de cette décision historique furent des jeunes de moins de 40 ans qui ont pour nom Sékou Touré, Saïfoulaye Diallo, Madéïra Kéïta, Lansana Béavogui, Diawadou Barry, Fodéba Kéïta, Ibrahima Barry dit Barry 3, Mafory Bangoura, M’Balia Camara, Loffo Camara… la liste est trop longue… …
Ce sont ceux-là qui, dans l’intimité de leur responsabilité historique et dans la consultation restreinte, ont décidé que notre drapeau portera les couleurs Rouge, Jaune et Vert, disposées dans l’ordre qu’ils ont choisi. Et tu le brandis partout dans le monde avec l’emphase -et même la vanité- de la dignité.
Ce sont eux qui ont écrit, composé musicalement et adopté les mots et la mélodie de notre hymne national que tu scandes partout aujourd’hui avec toute la fierté légitime
Ce sont encore eux qui ont composé et adopté les mots de notre devise « Travail-Justice-Solidarité », que tu répètes vigoureusement à toutes les occasions.
C’est encore eux et eux seuls qui ont dessiné et adopté notre armoirie nationale, selon les objectifs dictés par les choix intimes de leurs cerveaux et de leurs cœurs…
Et donc… et donc…, si aujourd’hui, nous pouvons frapper nos poitrines avec fierté et véhémence en nous revendiquant d’une certaine nationalité dénommée « guinéenne », il est moralement décent, humainement correct et civiquement louable de reconnaître chacune et chacun de ces héros, et surtout, de leur rendre un hommage mérité, avec déférence et sincérité, à tout instant et en tout lieu.
Les faits historiques sont implacables. Nos petites humeurs humaines ne pourront rien y changer. C’est nous grandir nous-mêmes en reconnaissant et en célébrant les héros de notre patrie. C’est nous diminuer nous-mêmes en voulant les rabaisser.
Fodé Tass Sylla
Journaliste-écrivain