En République de Guinée aussi, on croit que pour remplacer ses élites, il faut éliminer celles existantes. Durant la révolution ‘‘Sékoutouréenne’’, on ne donnait même pas le temps à une élite intellectuelle et/ou politique de se constituer ; au cours de chaque décennie, on a décapité au moins une génération. Et, les militaires arrivés au pouvoir, en avril 1984, se sont aussi débarrassés des élites (politiques, militaires et économiques) du régime défunt d’Ahmed Sékou Touré.
Pour que le pays connaisse une pérennité de ses élites intellectuelles, politiques, militaires et mêmes économiques, il a fallu l’annonce de l’ère démocratique, toujours sous Feu Général Lansana Conté, dont le régime militaire s’était civilisé.
Depuis plus de trente ans, notre pays a connu au moins deux générations d’élites, et le renouvellement s’est fait naturellement.
Mais, depuis le 5 septembre 2021, on a l’impression que les bidasses et leurs acolytes au pouvoir veulent nous imposer un changement générationnel des élites politiques et militaires. Le projet semble déjà réussi au sein de la grande muette. Quasiment, il n’y a plus d’officiers généraux et d’anciens pouvant élever la voix. Le grade le plus élevé est celui de colonel, comme celui de Mamadi Doumbouya, devenu Chef suprême des armées.
Si le projet semble facilement réussi au sein des forces de défense et de sécurité, avec une série de décrets mettant tous les généraux et ceux qui pourraient déranger, à la retraite, il n’en est pas de même pour les élites politiques et intellectuelles. La méthode appliquée laisse à désirer ; provocations, arrestations arbitraires, menaces, etc., au nom d’une ‘‘justice qui sera la boussole qui guidera notre pays’’ (Ndlr : plusieurs fois répété par Mamadi Doumbouya).
Une véritable chasse aux sorcières contre l’élites politiques qui a amené le CNRD à mettre Cellou Dalein Diallo et Sidya Touré dehors, Kassory Fofana, Amadou Damaro Camara et Cie en prison sans toute condamnation.
Que leur reproche-t-on ?
Depuis le 5 septembre 2021, aucun ancien dignitaire ne semble avoir le droit d’exister dans la vie publique guinéenne. Il suffit de manifester son opposition à un acte du CNRD ou de manifester une quelconque ambition politique pour être dans le collimateur de la justice aux ordres de la junte, depuis la création de la CRIEF (Cour de Répression des Infractions Economiques et Financières).
Le crime de la majorité de ces anciens dignitaires est d’avoir survécus à plus d’un régime politique, en Guinée.
La purge lancée vise à bénéficier aux ‘‘candidats cachés’’ de la junte auxquels elle entend transmettre le pouvoir. Le hic, ces ‘‘candidats cachés’’ font également partie des anciens dignitaires, malheureusement à leur solde. Ce, parce qu’il n’y a que par cette façon pour eux d’arriver au pouvoir. Ils sont conscients de n’avoir aucune chance face à Kassory Fofana, Cellou Dalein Diallo, Sidya Touré, etc.
Mais, ce qui échappe au colonel Mamadi Doumbouya et à son CNRD, ces anciens dignitaires font partie des élites intellectuelles et politiques de notre chère Guinée, dont la majorité existe depuis le régime de Feu Conté.
Cellou Dalein, Sidya Touré et Lansana Kouyaté (trois anciens PM de Feu Conté), Kassory Fofana (ancien PM d’Alpha Condé et Ministre de Feu Conté), Kiridi Bangoura, Alpha Ibrahima Kéïra (anciens Ministre de Feu Conté et d’Alpha Condé), Boubacar Barry ‘‘BIG-UP’’ (ancien Ministre du CNDD et d’Alpha Condé), Ahmed Tidiane Souaré, Fodé Bangoura (ancien PM et ancien Ministre de Feu Conté et Conseillers d’Alpha Condé).
Désormais, s’ajoutent à ceux-ci, Mohamed Diané, Bantama Sow, Domani Doré, Damantang A. Camara, I. Kalil Kaba, Lounceny Camara, etc. (anciens Ministres d’Alpha Condé), Damaro Camara (ancien Président de l’Assemblée nationale) pour ne citer que ceux-là. Que dire du très controversé Dr Ousmane Kaba (président du PADES, ancien Conseiller d’Alpha Condé), Aliou Condé (UFDG), Mohamed Tall (UFR), Moustapha Naïté (RPG-AEC) et tant d’autres qui ont été Ministres de la République avec Feu Conté ou Alpha Condé. Tous font partie de ces élites politiques.
Si la CRIEF ne semble pas s’intéresser à bon nombre parmi eux, c’est qu’ils font profil bas actuellement. Ceux qui entendent assumer leur destin trouvent la CRIEF sur leurs chemins.
Mais, ce qu’il ne faut pas oublier est que leur nombre fait que quoi que fassent le colonel Doumbouya et son CNRD, le futur Président de la République de Guinée viendra de ce groupe, à moins que le Seigneur n’en décide autrement, et c’est Lui seul qui a ce pouvoir. Cela ne pourra être qu’une bénédiction pour le pays, parce que cette femme ou cet homme, issue de l’élite, aura l’avantage de connaitre la Guinée et la conscience de ne plus avoir à faire à un régime militaire.
Cheick Ah. Tidiane DIALLO