L’opération fait la Une de l’actualité et suscite, par conséquent, maints commentaires et analyses. En principe, la volonté des autorités de la place, à travers le CNRD (Comité national du rassemblement pour le développement), de récupérer les biens immobiliers de l’Etat fait quasiment l’unanimité au sein de l’opinion. Cela ne manque pas cependant de provoquer quelques grincements de dents, voire des velléités de résistance de la part de citoyens touchés par la mesure, et qui, s’estimant lésés à tort, crient à l’injustice. Quand les intéressés (une infime minorité) appartiennent à la sphère politique, c’est le motif du règlement de compte qui est brandi, en des termes qui frisent parfois le délire de persécution. Des extrémistes adeptes du complotisme, heureusement encore moins nombreux, essayent de leur côté d’accréditer la thèse selon laquelle l’opération serait sélective (suivez mon regard).
Pourtant, en dépit de son caractère quelque peu inédit, dans un pays où la spoliation des biens publics était devenu le sport favori de certains hauts cadres de l’administration, il apparaît clairement que cette mesure du CNRD n’est nullement motivée par des considérations politiques. Encore moins régionalistes ou communautaires.
Le fait même qu’elle touche indéfiniment des personnes issues de tous les bords, des citoyens dont la plupart n’ont aucune étiquette politique, des individus venant des différentes communautés du pays et se réclamant des principaux cultes, en est certainement la preuve la plus éloquente. Quel lien peut-on trouver, quand on est de bonne foi, entre des barons de l’époque du parti unique et des dignitaires de l’ère Alpha Condé qui vient de se refermer, en passant par des hauts placés du temps de Lansana Conté ou de la parenthèse CNDD (Conseil national pour la démocratie et le développement) du tandem Dadis-Sekouba ? Rien, si ce n’est l’appropriation de biens relevant du patrimoine (bâti et non bâti) de l’Etat guinéen, favorisée et encouragée par la culture de l’impunité.
Fort de ce qui précède, l’on se doit de loger tous les concernés à la même enseigne. En pareille situation, ce qui serait en revanche particulièrement désastreux pour le pays, et qui risquerait de décrédibiliser le CNRD dans son programme de refondation, c’est d’avoir la main qui tremble, en caressant dans le sens du poil une catégorie de gens considérés comme intouchables.
Si l’on se fie à ce que le président de la transition, le colonel Mamadi Doumbouya, a montré jusque-là, en terme de détermination et de constance, il y a fort à parier qu’il ne déviera pas, dans sa volonté de mettre à profit cette période charnière pour remettre la Guinée sur les rails du développement et de l’unité nationale.
Comme pour dire que le bon exemple doit venir d’en haut, il n’a pas hésité à mettre une croix sur un bail signé avec le Patrimoine bâti public, ainsi donc renoncer au terrain et au bâtiment qu’il a érigé dessus.
Moralité ? Faites ce que je dis, et surtout ce que je fais !
François MARA