Nous pensons qu’il faut faire attention pour ne pas sombrer dans l’euphorie. Sortons de la mise en scène pour aller vers le concret. Ne perdons pas de vue que ce pays vient de loin et que son peuple a des exigences très nombreuses.
Dans quelques semaines ou mois, il va se reprendre et commencer à juger sur une base moins émotive. Si jusque-là il semble tout acquiescer c’est parce qu’il est encore occupé à fêter le départ du tyran Alpha Condé dont la gestion chaotique était une chape de plomb qui pesait sur tout le monde. Alors la fête va bientôt finir et l’émotion festive qu’a généré le coup de force va faire place au jugement rationnel.
Donc à la junte de faire très attention en intégrant cet état de fait. Encore une fois, aller vers le concret. Habiller les ministres en tenue militaire semble inopportun et immature. Ça dénote combien l’inexpérience et l’amateurisme prennent le dessus et ce, de la plus dangereuse des manières. Cela représente un grand risque dans la gestion de la chose publique, surtout en cette phase transitoire.
Nous ne doutons guère de la bonne intention qu’il pourrait y avoir derrière cet acte, mais encore une fois, il n’avait pas lieu d’être. On pouvait vraiment s’en faire l’économie. Il ressemble plus à une opération de charme, à un coup de communication. Mais si l’on y prend garde, ça risque même de produire un effet boumerangue. On en est pas loin, car le peuple de Guinée n’est pas dupe, loin s’en faut.
Parlant de la conduite de cette transition, force est de reconnaître que la junte est entrain de se compliquer la tâche. Si le CNRD a un agenda caché, il risque de se prendre dans ses propres pièges. Un pouvoir transitoire n’a pas le temps nécessaire, la légitimité requise, l’expérience appropriée et les moyens pour s’attaquer à tous les maux du pays. Nous ne faisons pas de prémonition, mais nous craignons qu’elle ne s’en mêle les pinceaux dans les semaines ou mois à venir. Cela est loin d’être un souhait, mais nous pensons qu’il faille en tirer la sonnette d’alarme. Nous sommes dans une transition dont les vraies priorités ne sont pas à chercher ailleurs. Jeter les bases institutionnelles et démocratiques du pays reste la priorité des priorités. Cela passe par la moralisation de la vie publique à travers un audit crédible et responsable, la restauration de la justice pour faire la lumière sur des crimes de sang et des crimes économiques, la dépolitisation de l’administration et la tenue d’élections libres et crédibles. Il n’y a pas mille chemins, à moins qu’on ne veuille s’embourber inutilement.
Travaillons vite à parachever la mise en place des organes de la transition et ensuite faire face aux strictes priorités. Il serait illusoire de penser à résoudre pendant cette transition tous les problèmes d’infrastructures dont souffre le pays, à plus forte raison développer une économie si fragilisée et dépouillée durant les onze dernières années. Il serait également prétentieux, voir même utopique de croire que par un coup de baguette magique l’on pourrait gagner le parie de la refondation de l’État. Bien évidemment on aurait souhaité que cela se fasse, mais hélas, nous n’y pouvons rien en ce temps-ci. Soyons réaliste! La refondation dont il s’agit n’est ni plus, ni moins qu’un vœu pieux d’autant plus que l’on est dans une transition limitée dans le temps et l’espace. Alors plus question de se tromper des vrais chantiers.
Diabaty DORE président du RPR, Vice-président ANAD