Guinéennes, Guinéens, Chers compatriotes
La situation de notre pays me parait suffisamment grave pour que je m’adresse à vous.
Elle est si grave qu’elle interpelle chacun de nous. A la crise économique engendrée par la mauvaise gouvernance et aggravée par la crise sanitaire, s’est ajoutée une crise politique née de l’obstination de Alpha Condé de s’octroyer un troisième mandat.
Les Guinéens subissent dans la douleur les conséquences de cette triple crise. La crise sanitaire qui s’aggrave avec une deuxième vague du Covid-19 et une propagation effrénée du virus à Conakry et à l’intérieur du pays entrainant la saturation des centres de traitement et l’impossibilité d’isoler et de prendre convenablement en charge tous les malades. La crise politique entrainée par les violences perpétrées avant, pendant et après le coup d’état constitutionnel du 22 mars et le hold-up électoral du 18 octobre 2020. Ces violences ont provoqué des centaines de morts dont certains ont été nuitamment enterrés dans des fosses communes en pleine forêt à Nzérékoré, des centaines de blessés par balles, des arrestations et des séquestrations massives d’innocents dont certains sont morts en prison faute de soins.
La crise économique marquée notamment par une baisse drastique des revenus des ménages, une aggravation du chômage et une flambée des prix des denrées de première nécessité, conséquence directe de la dépréciation de la monnaie nationale, de la fermeture des frontières et de l’augmentation fantaisiste des impôts et des taxes. Alors que les populations peinent à faire face à cette avalanche de malheurs, voilà que Alpha Condé et son clan mobilisent bulldozers, graders, pelles mécaniques et autres matériels de terrassement pour aller à l’assaut des maisons d’habitations et des commerces des pauvres citoyens faisant des centaines de sans-abris dont la plupart se trouvent aujourd’hui privés de leurs 2 uniques sources de revenus. Ce qui est révoltant, c’est que cette opération est menée dans un contexte de crise aiguë et sans aucun programme d’aménagement des voies publiques et des terrains libérés par le déguerpissement.
Mes chers compatriotes,
C’est le citoyen dans l’homme politique que je suis qui tient à s’adresser à vous pour exprimer sa solidarité à toutes les victimes de ces multiples crises et vous dire que les misères que nous vivons ne sont pas une fatalité mais plutôt la conséquence d’une mauvaise gouvernance et d’un manque de vision et d’humanisme de nos dirigeants.
Face à cette situation, beaucoup d’entre vous se demandent aujourd’hui à quel saint se vouer. Je ne m’adresse donc pas à vous parce que j’ai été empêché, encore une fois, de voyager, ou parce que mon siège et mes bureaux sont, sans aucune base légale, fermés et occupés par les forces de défense et de sécurité ou parce que les militants de mon parti et mes proches collaborateurs sont arbitrairement détenus.
Derrière toutes ces exactions que subissent l’UFDG, l’ANAD et le FNDC, il y a une volonté d’Alpha Condé de rendre irréversible son troisième mandat illégal et de soumettre notre pays à une dictature qui confisque nos droits et libertés et détourne nos richesses au profit de l’élite dirigeante. Ma parole, aujourd’hui, convoque donc notre humanité commune. Oui, notre humanité ! celle de toutes nos communautés ethniques, de toutes nos formations politiques et de toutes les organisations de la société civile que compte notre beau pays.
J’en appelle à ce qui nous lie et peut nous unir, les valeurs que nous partageons, notre désir de vivre ensemble décemment sur la terre de nos ancêtres, notre aspiration commune au progrès, à la justice et à la paix. Ne soyons pas des spectateurs passifs d’une déshumanisation de notre société érigée au rang de politique publique. Regardons notre misérable condition économique et sociale. Les difficultés pour se nourrir, se loger ou se vêtir. L’absence d’hôpitaux décents. La vétusté des infrastructures scolaires et la faiblesse du niveau de l’enseignement. La 3 dégradation de nos routes. Les conditions de vie pénibles de nos retraités. Le chômage de nos jeunes qui les obligent souvent à emprunter le chemin périlleux de l’émigration. Les violences de toutes sortes faites aux femmes. La faillite de l’État et l’instrumentalisation de la justice. L’abandon dans un état de dénuement total des personnes déguerpies.
Concernant cette opération de déguerpissement, est-ce le sens du « gouverner autrement » que de détruire, sans aucun dédommagement, sans aucun plan de réaménagement, des maisons et des boutiques acquises pendant de longues années de labeur ?
Mes chers compatriotes,
L’enjeu va au-delà des persécutions que subissent les opposants au troisième mandat, notamment les partisans et cadres de l’UFDG, de l’ANAD et du FNDC. Il s’agit de prendre conscience du profond mépris d’Alpha Condé pour les guinéens qu’il identifie, avec son arrogance habituelle, aux tortues qu’il faut brutaliser pour qu’elles avancent. Nous ne sommes donc plus dans une relation de gouvernants-gouvernés. Non. Le contexte actuel de répression et les contraintes que celle-ci exerce sur nos esprits nous montrent que nous sommes face à un rouleau compresseur au service d’un pouvoir despotique. Prendre la parole, aujourd’hui, c’est aussi pour vous dire que nous ne sommes pas condamnés à subir cette folie du pouvoir et ses conséquences que sont la déshumanisation sociale, le sous-développement économique et l’enterrement de l’État de droit.
À ce désir insatiable de dominer que nourrissent Alpha Condé et son clan qui confisquent à leur profit personnel nos richesses, nous pouvons opposer la force du droit et de notre dignité. Je ne parle donc pas pour revendiquer ma liberté brimée, mais pour vous dire qu’il y a pire que la privation de la liberté, c’est l’arrogance assumée à l’égard de la population guinéenne meurtrie par un État devenu tyrannique. Or, sommes-nous prêts à vivre dans le mépris et le déshonneur ? Voulons-nous voir notre dignité niée, nos droits bafoués ?
Telles sont les questions que nous pose aujourd’hui Alpha Condé. Je ne crois pas me tromper en disant que la réponse du peuple de Guinée est : Non! Et parce que tel est le cas, assumons notre réponse comme ce fut le cas en 1958. Exigeons, en exploitant toutes les ressources du droit et de la nonviolence, la fin de la tyrannie et donc : la libération des prisonniers politiques, l’alternance démocratique, la séparation des pouvoirs et l’indépendance des 4 institutions, notamment la Justice et l’Exécutif, la gestion des ressources publiques au profit, non pas de l’élite dirigeante, mais de toute la nation. Je voudrais aussi, dans ce discours au peuple de Guinée, lancer un appel citoyen à notre armée et aux forces de défense et de sécurité. Je leur demande d’assumer leur mission républicaine, celle de protéger le peuple.
Mes chers frères en uniforme,
Écoutez votre peuple. Entendez ses souffrances. Regardez les visages émaciés dont les aspirations au bien-être sont niées. Ce sont vos enfants, vos parents et vos proches qui, du tréfonds de l’abîme, exigent de vous d’assurer leur sécurité, de veiller au respect de leurs droits et de faire preuve de discernement et de retenue dans vos missions de maintien d’ordre.
Mes chers compatriotes,
Je voudrais terminer mon adresse par une exhortation au rassemblement et à la mobilisation. Le rassemblement pour mettre en échec la politique de division suscitée et encouragée par Alpha Condé consistant à opposer les ethnies les unes aux autres. Le rassemblement et la mobilisation de tous ceux qui veulent œuvrer à la refondation de l’État et à la promotion de la réconciliation, de la démocratie et de la solidarité dans le respect des droits et libertés de tous les fils de la Nation.
C’est pourquoi, j’invite, encore une fois, tous les Guinéens attachés à ces valeurs et conscients des risques et menaces que la politique actuelle d’Alpha Condé fait peser sur notre devenir commun, à se mettre ensemble pour sauver notre pays.
Tous ensemble, sauvons la Guinée !
Vive la Guinée !
Conakry, le 27 mars 2021
Cellou Dalein Diallo