Comme la plupart des pays du monde, la guinée fait également face à la pandémie du coronavirus depuis le 12 mars dernier, date de l’apparition du premier cas déclaré officiellement. Une maladie qui à ce jour a fait plus de trois mille victimes pour une vingtaine de décès. Au-delà de la crise sanitaire, la Guinée est désormais confrontée aux difficultés économiques mais aussi surtout à l’accentuation de la crise politique. Le calendrier électoral de cette année sera sans nul doute bouleversé.
Le mandat du Président Alpha CONDE prendra fin le 21 décembre prochain après deux quinquennats consécutifs. Ce qui, en principe, devrait conduire les guinéens aux urnes une nouvelle fois cette année. Un scrutin à grand enjeu censé consolider le processus démocratique amorcé en 2010 avec l’élection du premier président démocratiquement élu après 60 ans d’indépendance. La présidentielle de 2020, loin d’être une simple élection, doit ouvrier la voie à une l’alternance dans le pays. Mais aujourd’hui en Guinée, le cœur ne semble pas au vote. Si les autorités ont réussi à organiser le double scrutin législatif et référendaire le 22 mars dernier avec un seul cas confirmé de COVID 19, la folle progression de la maladie en cours caractérisée par une intense transmission communautaire suscite interrogation et pousse à la réflexion quant à l’organisation de l’élection présidentielle. Plus que jamais l’incertitude plane sur la tenue de la présidentielle en fin d’année.
Au sein de la classe politique, certains n’hésitent pas à exprimer leurs inquiétudes. Membre du Front National pour la Défense de la Constitution ’’FNDC’’ (front qui était opposé à l’organisation des élections couplées ‘’législatives et référendum constitutionnel’’ de mars dernier Ndlr ) et leader du Parti de l’Espoir pour le Développement National ’’PEDN’’, Lansana Kouyaté ne croit pas trop à la tenue de cette échéance à bonne date. L’opposant au régime condé explique ses raisons.
« Organiser des élections présidentielles dans une telle situation, ce n’est pas du tout possible. D’abord nous faisons face à une pandémie gravissime qu’on gère avec beaucoup de difficultés comme tous les pays du monde d’ailleurs. Les élections législatives et référendaires qui ont eu lieu entre temps, ont créées de problèmes. Il faut désamorcer tout cela, il faut recoller les morceaux pour savoir comment il faut aller à des élections paisibles et apaisées. Rien ne nous dit qu’il y aura d’élection présidentielle en Guinée avant la fin de cette année » se défend l’opposant sur une radio privée de la place.
Dans les rangs de la mouvance présidentielle, Honorable Souleymane Kéita se veut prudent. Le RPG arc-en-ciel est disposé à se rendre aux urnes si les conditions sont réunies pour vote dit-il.
« Je pense que tout dépendra de la volonté des autorités. En tout cas au sein du RPG AEC, nous sommes prêts à aller aux urnes à n’importe quel moment. Il revient aux autorités d’analyser la situation en tenant compte de la réalité liée à la Covid-19 pour voir si les élections sont possibles en fin d’année ou pas ».
Dans les rues de la capitale Conakry, la préoccupation majeure des populations est loin d’être politique en cette période de pandémie. Les activités sont aux arrêts et de nombreux ménages peinent à assurer les 3 repas quotidiens. Moussa Diallo, habite koloma en banlieue de Conakry. Il se dit conscient de la nécessité pour le pays de changer d’exécutif en raison l’incapacité notoire du président actuel à sortir le pays de sa grande pauvreté. Toutefois, il plaide pour le contrôle rapide de la maladie en vue de la reprise des activités économiques, la seule chose à ses yeux qui pourrait soulager les populations en cette période.
« Si la maladie persiste dans notre pays, les conséquences seront incalculables. Imaginer des pauvres populations qui n’ont rien à manger, rester confiner à domicile sans aucun soutien des autorités. J’ai beaucoup plus peur de la faim que du COVID 19. C’est pourquoi, je préconise une synergie d’action de l’ensemble des acteurs politiques et sociaux de ce pays dans la lutte. C’est après cela, qu’une présidentielle est bien possible en toute sécurité » conseille le jeune Diallo.
Actuellement, la Guinée est confrontée à une crise multidimensionnelle. Pendant que la lutte s’accentue contre la COVID 19, les opposants regroupés au sein du Front National pour la Défense de la Constitution décident de reprendre ses manifestations de rue pour dénoncer dit-on les arrestations arbitraires de ses membres. Ce front qui ne reconnaît pas le double scrutin de mars dernier, estime que les autorités se servent de la maladie du coronavirus pour organiser une purge dans ses rangs.
Un autre facteur d’aggravation de la situation politique est le fichier électoral contesté par les principaux partis d’opposition. Ils pensent que la liste électorale actuelle est taillée sur mesure même si du côté de la Commission Electorale Nationale Indépendante CENI, on n’envisage pas une nouvelle révision de la liste électorale.
Autant dire, que la COVID-19, cet invité surprise impacte sérieusement le processus électoral guinéen de cette fin année. Faut-il dores et déjà envisager un report de la présidentielle de novembre prochain ? C’est là toute la question.
Cet article est une initiative de Search For Common Ground en collaboration avec le NDI (National Demovratic Institut) sur financement de l’USAID
Terna Kamissoko