Aucune position, aucun privilège, aucun avantage ne devraient nous amener à être aveugle, sourd et muet face aux violations des droits de l’homme. Chacun d’entre nous a intérêt à ce que les droits des citoyens- même ceux avec lesquelles on a des divergences politiques notamment- ne fassent pas l’objet de violations injustifiées.
Et pourtant, beaucoup ne semblent réellement pas comprendre ou admettre cette nécessité et ce, pour des motifs raisons liés aux fonctions qu’ils occupent ou aux avantages qu’ils tirent de leur proximité, de leurs relations personnelles avec ceux qui occupent telle ou telle fonction.
Or, l’actualité politico-judiciaire est assez fournie en ce moment pour amener ceux qui sont aux affaires à une prise de conscience.
Sous le régime du M. Alpha Condé, de nombreux citoyens ont été empêchés de sortir du territoire national à partir de l’Aéroport international AST au motif que leurs noms figureraient sur une liste de personnes qui ne pouvaient pas voyager. Des passeports ont même été confisqués jusqu’à la date du 5 septembre 2021.
La même pratique reprend. Des personnes voulant se rendre à l’étranger pour diverses raisons sont bloquées, leurs documents de voyage confisqués .
Le plus incompréhensible, c’est qu’avant que ces personnes ne soient empêchées de voyager, elles ne sont pas préalablement informées d’une telle mesure.
Du point de vue strictement, lorsqu’une mesure judiciaire ou administrative vise une personne et est susceptible de lui porter préjudice, elle doit lui être notifiée. Cette formalité est d’un intérêt de premier plan car elle permet à la personne d’exercer éventuellement un recours. C’est très basique.
Il est déplorable de constater que c’est lorsque des citoyens se rendent à l’aéroport, accomplissent les formalités et s’apprêtent à embarquer que des agents de la police aéroportuaire leur signifient qu’ils ne peuvent pas voyager. Ils ne savent même pas parfois qui est l’auteur de ces mesures.
Avant le 5 septembre 2021, on a même entendu un procureur de la République déclarer que c’était lui qui avait pris une décision d’interdiction de sortie du territoire national contre un acteur politique. Mais il n’avait jamais pu produire cette décision. En réalité, il cherchait simplement à porter la responsabilité d’une décision attentatoire à la liberté d’aller et venir d’un citoyen, pour protéger le véritable auteur de celle-ci.
Des personnes contre lesquelles il n’existe même pas une procédure judiciaire sont parfois visées. C’est le cas d’un ancien secrétaire général d’un ministère qui est empêché de sortir, depuis des mois, parce que tout simplement un haut gradé de la gendarmerie nationale aurait donné des instructions dans ce sens.
Cette pratique doit cesser. Si des citoyens font l’objet d’une IST, l’auteur de la mesure doit la porter à la connaissance de ces derniers. C’est de cette manière que les choses doivent se faire dans un État qui se définit comme un État de droit.
Me Mohamed Traoré
Ancien Bâtonnier